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philosophes au lendemain presque de la découverte de ce principe. Herbert Spencer, sous la forme un peu nébuleuse de la « conservation de la force » (persistence of force) combinée avec la « continuité du mouvement », lui prête un caractère axiomatique, tout comme à l’inertie et à la conservation de la matière[1]. Stallo constate également que la conservation de l’énergie « bien qu’elle n’ait été formulée que récemment à titre de principe scientifique distinct, est aujourd’hui universellement regardée comme ayant la même évidence et la même dignité d’axiome que l’indestructibilité de la matière ». Sans doute, Stallo semble rattacher cette opinion aux théories mécaniques ; mais comme il ne la réfute pas dans la suite, contrairement à ce qu’il fait pour ces théories en général, on est amené à conclure qu’il approuve cette manière de voir[2]. M. Lasswitz croit pouvoir déduire a priori, par une voie un peu détournée, soit la conservation de l’énergie elle-même[3], soit au moins celle d’une fonction quelconque du mouvement[4]. Spir également tente de déduire directement la conservation de l’énergie de la nécessité d’une transmission du mouvement[5].

Bien entendu, c’est l’identité causale que nous retrouverons au fond de toutes ces déductions. Si Spencer déclare inconcevable que le mouvement, la force puissent être créés ou détruits, c’est qu’en son imagination il les a transformés en entités, en substances : c’est pour la même raison que Stallo croit sans doute que la constance de la masse et celle de l’énergie pourront conserver leur « dignité d’axiomes », alors que le mécanisme, sur lequel ces principes semblaient s’appuyer, se trouvera ruiné. La démonstration de M. Lasswitz revient également à affirmer a priori que quelque chose doit persister dans la transformation du mouvement — ce qui est, nous l’avons vu, la forme la plus exacte du principe causal.

Si nous examinons de plus près à ce point de vue les principaux travaux que nous avons énumérés en faisant l’historique du principe, nous nous rendrons compte de même que partout la causalité constitue le véritable ressort moteur.

  1. Spencer, l. c., p. 251 ss.
  2. Stallo, l. c., p. 10 ss.
  3. Lasswitz. Geschichte der Atomistik. Hambourg, 1890, vol. II, p. 377.
  4. id. Zur Rechtfertigung der kinetischen Atomistik. Vierteljahrsschrift fuer wissenschaftliche Philosophie, IX, 1885, p. 154.
  5. Spir, l. c., p. 424.