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dans les rayons solaires, en dehors de celles que nous venons d’indiquer ? Cela n’est même pas probable. En étudiant la situation des parties explorées du spectre, telle qu’elle a été dressée par exemple par M. Ch.-É. Guillaume[1] on peut se rendre compte que celles-ci sont arbitrairement distribuées. On arrive à une constatation analogue en étudiant les rapports entre l’électricité et les rayons du spectre. Entre les oscillations électriques les plus rapides d’une part et les ondes les plus longues du spectre, il reste un intervalle égala celui qui sépare les rayons ultra-violets et infra-rouges les plus distants.

À supposer que ces intervalles soient entièrement comblés, qui oserait affirmer qu’il ne peut y avoir de manifestations d’énergie en dehors de ces limites ? Nous sommes entièrement ignorants de la nature du phénomène fondamental que nous supposons, à l’heure actuelle, électrique et que nous assimilons à une ondulation. On ne saurait donc prétendre a priori que l’éther soit incapable de développer de l’énergie sous une forme toute différente.

En réalité, notre connaissance des formes de l’énergie tient à des causes purement accidentelles, à ce que nous possédons des organes des sens pour la perception de certaines d’entre elles, et que, pour d’autres, nous avons découvert, plus ou moins fortuitement, des phénomènes qui les rendent apparentes, tels que l’action des rayons ultra-violets sur certaines substances chimiques. C’est ainsi, comme le fait ressortir M. Le Bon, que pendant vingt-cinq ans on a manié les tubes de Crookes et ignoré les rayons de Rœntgen. On les ignorerait toujours sans les plaques photographiques et la phosphorescence[2]. Il convient de se rappeler, à ce propos, combien est peu ancienne la découverte de l’électricité. Elle nous apparaît certainement aujourd’hui comme une des formes primordiales de l’énergie, voire même comme la forme primordiale. Or, elle date des travaux de Gilbert, c’est-à-dire de trois siècles à peine. La seule expérience électrique qu’aient connue l’antiquité et le moyen âge — la propriété de l’ambre frotté — paraissait une pure amusette ; y rattacher le phénomène grandiose de la foudre eût semblé le plus étrange des paradoxes. Ne serait-il pas téméraire d’affirmer que l’avenir ne nous réserve point de surprises du même genre ? Les dernières découvertes

  1. Ch.-É. Guillaume. L’échelle du spectre. Revue générale des sciences, X, 1899, p. 7 ss.
  2. G. Le Bon. L’évolution de la matière. Paris, 1905, p. 120.