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que cette explication est nécessaire, ce qui veut dire que les résultats immédiats des recherches ne conduisent pas directement à la constatation de l’invariabilité de l’équivalent.

Il est à noter que toutes les données relevées ci-dessus proviennent de travaux spécialement entrepris en vue de déterminer le rapport en question et exécutés dans certaines conditions très particulières, jugées les plus favorables au point de vue de la facilité de ces expériences, telles que, par exemple, les températures moyennes, etc. On ne peut pas, comme nous l’avons fait pour la conservation de la matière, invoquer ici les résultats d’expériences quotidiennes. Hirn a essayé de déduire l’équivalent à l’aide d’un grand nombre d’observations sur des machines à vapeur : il est arrivé à des chiffres variant entre 300 et 400[1] et ces résultats ont été considérés généralement comme remarquables, étant données les difficultés du problème.

Ces difficultés proviennent d’un fait physique primordial : bien plus que la matière, l’énergie tend à se dissiper et il est fort malaisé d’empêcher cette dissémination. La matière, depuis que nous avons appris à capter les gaz, est toujours et partout aisément saisissable. Il n’en est pas de même de la chaleur : nous ne connaissons pas de corps qui soit complètement imperméable à son action, et même le vide ne constitue qu’un isolateur imparfait. C’est ce qui explique que, dans la formule du principe de la conservation de l’énergie, on soit obligé de spécifier l’isolement du système. On fait tacitement la même réserve pour la conservation de la matière ; on ne l’énonce pas, le plus souvent, parce qu’elle est aisée à réaliser[2]. Nous savons cependant, depuis les travaux de Bunsen et de Berthelot, que les solides ne sont pas entièrement imperméables aux gaz[3] et MM. Warburg et Ch.-Éd. Guillaume[4] nous ont appris que, dans certaines conditions, le verre peut être traversé par du sodium ou du lithium. Nous n’avons qu’à nous imaginer cette perméabilité considérablement

  1. Lippmann, l. c., p. 35.
  2. M. J. Perrin. Traité de chimie physique. Paris, 1903, p. 16, formule cependant expressément cette condition.
  3. R.-W. Bunsen. Ueber die Verdichtung der Kohlensæure an blanken Glasflaechen. Poggendorf’s Annalen, vol. XX, 1883, p. 558. M. Berthelot. Comptes rendus de l’Académie des sciences, vol. CXL, 1905, p. 817, 1253.
  4. Cf. W. Spring. Propriétés des solides, etc. Congrès de physique de 1900, vol. I, p. 421 et Dastre. La vie et la mort, p. 264.