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masse de chaque molécule par le carré de sa vitesse, c’est-à-dire la « force qui résulte des mouvements insensibles des molécules d’un corps ».

Au commencement du xixe siècle, Rumford et un peu plus tard Humphry Davy[1], à l’aide d’expériences directes qui ont un grand retentissement, démontrent la transformation du mouvement en chaleur. Fresnel, dans un ouvrage de vulgarisation, affirme nettement que « la quantité de forces vives qui disparaît comme lumière est reproduite en chaleur[2]. »

D’un autre côté, Lazare Carnot formule le concept de force vite latente[3], que Poncelet précise en l’appelant travail[4] — concept identique à celui que nous désignons actuellement comme énergie potentielle.

Dès lors, l’éclosion du principe est toute préparée. En 1839 un ingénieur, Séguin, dans un ouvrage sur la construction des chemins de fer, formule, pour ainsi dire en passant, des idées qui s’en rapprochent beaucoup[5].

Antérieurement à Séguin, le puissant esprit de Sadi Carnot avait clairement conçu le principe dans toute son étendue et calculé un chiffre pour l’équivalent mécanique de la cha-

  1. D’après M. Poincaré (Thermodynamique, p. 28) l’expérience de Rumford n’était pas absolument concluante. On peut d’ailleurs voir chez Biot, Précis élémentaire de physique expérimentale, 2e éd., Paris, 1820-21, vol. II, p. 683, comment la science contemporaine s’accommodait de cette expérience.
  2. Nous citons d’après Bohn. Notice sur la théorie mécanique de la chaleur. Annales de Chimie et de Physique, 4e série, vol. IV, 1865, p. 280. Nous n’avons pas réussi à retrouver le traité de Fresnel Sur la chaleur, qui n’a pas été compris dans l’édition de ses œuvres (Paris, 1866-1870).
  3. Lazare Carnot. Principes fondamentaux de l’équilibre et du mouvement. Paris, an XI, 1803, p. 37.
  4. Poncelet. Introduction à la mécanique industrielle physique ou expérimentale, 2e éd. Metz, 1841, § 138 : « L’eau renfermée dans le réservoir d’un moulin représente un certain travail disponible, qui se change en force vive quand on ouvre la vanne de retenue ; à son tour, la force vive acquise par cette eau, en vertu de sa chute du réservoir, se change en une certaine quantité de travail, quand elle agit contre la roue du moulin, et celle-ci transmet ce travail aux meules, etc. qui confectionnent l’ouvrage. »
  5. Séguin aîné. De l’influence des chemins de fer et de l’art de les tracer et de les construire. Paris, 1839, p. 382. « Comme la théorie actuellement adoptée conduirait cependant à ce résultat (sc. au mouvement perpétuel) il me paraît plus naturel de supposer qu’une certaine quantité de calories disparaît dans l’acte même de la production de la force ou puissance mécanique, et réciproquement ; et que les deux phénomènes sont liés entre eux par des conditions qui leur assignent des relations invariables. »