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la signification de ce terme. La somme des deux énergies, composant l’énergie totale du système, devra, de par le principe que nous avons énoncé, rester constante.

La conservation de l’énergie est le plus récent des trois grands principes mentionnés par nous ; elle ne fut définitivement établie que vers le milieu du xixe siècle. Toutefois, ses origines sont plus anciennes. Sans doute il ne pouvait en être question dans l’antiquité, puisque l’inertie elle-même, nous l’avons vu, y était inconnue. Quelques indications plus ou moins obscures relatives aux mouvements des bras d’un levier et à l’effet des corps qui tombent, que l’on trouve chez Aristote[1], peuvent seules être rapportées ici. Mais chez Galilée déjà nous trouvons d’importants commencements. Le grand physicien s’est rendu compte que, pour toutes les machines simples, le travail de la résistance égale celui de la puissance ; il en conclut qu’on ne peut avec leur aide créer du travail. Par contre, comme l’a justement observé M. H. Poincaré dont nous suivons ici l’admirable exposé[2], il ne dit pas que le travail ne puisse être détruit ; on ne peut donc pas prétendre qu’il ait affirmé la conservation de l’énergie pour les machines en question. Toutefois, dans un cas particulier, à savoir en ce qui concerne la chute des graves, Galilée a donné une formule qui conduit directement à ce principe.

C’est Descartes qui, le premier, a énoncé que quelque chose de défini, une grandeur déterminée, doit se conserver à travers les modifications que subit le mouvement des corps. C’est le principe de la conservation du mouvement. On sait que Descartes s’est complètement trompé en ce qui concerne l’expression de la grandeur même qui reste constante, il supposait qu’elle était égale au produit de la masse par la vitesse, au lieu du carré de la vitesse que nous posons actuellement : c’est là ce que Leibniz appelait, à bon droit du reste, son « erreur mémorable[3] ». Le mérite de Descartes, en cette matière, n’en reste pas moins très grand. C’est en suivant l’ordre d’idées indiqué par lui que Huygens et Leibniz sont parvenus à établir le principe des forces.

On attribue généralement cette découverte au second seul

  1. Cf. Rosenberger. Geschichte der Physik, vol. I, p. 19.
  2. H. Poincaré. Thermodynamique. Paris, 1892, pp. 2 ss.
  3. Leibniz, l. c., p. 117. « Brevis demonstratio erroris memorabilis Cartesii… »