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expressions mêmes (à peu près, assez exactement) qu’il n’a recherché, au point de vue quantitatif qu’un accord tout à fait approximatif ; nul doute que s’il avait constaté une légère dérogation au principe de la conservation du poids, il n’eût pas hésité à formuler des hypothèses auxiliaires, comme celles de l’attaque des vases accessoires ou du dépôt formé par le feu du charbon dans ses travaux antérieurs. Le fond de sa pensée, c’est, tout comme chez Jean Rey, que, si l’on admet le principe, les expériences en question ne le contredisent point expressément.

Quelle est, à cet égard, la situation actuelle ? Depuis Lavoisier, la balance est devenue l’instrument de prédilection du chimiste ; et l’on a pu dire — c’est par exemple l’avis de M. Ostwald[1], — qu’en un certain sens toute analyse quantitative accomplie par un chimiste constitue une vérification de la conservation de la matière. Cependant, il ne faudrait pas vouloir trop prouver. Ces analyses ne s’accordent généralement que tout à fait grosso modo : il est rare que dans une série d’opérations quelque peu compliquée on ne relève pas des déviations beaucoup trop considérables pour être attribuées aux instruments de mesure, ainsi que M. Ostwald est obligé de l’admettre[2]. C’est que les causes d’erreur sont nombreuses et difficiles à éviter. On le constate si l’on examine les travaux de l’ordre scientifique le plus élevé, qui ont servi à déterminer les poids atomiques des éléments. On sait quelle somme vraiment prodigieuse d’efforts Stas a dépensée pour parvenir à connaître l’équivalent de l’argent, base de toutes les déterminations ultérieures ; or, on a reconnu depuis que les résultats de Stas étaient entachés d’une cause d’erreur et il serait téméraire d’affirmer que cette rectification doive être la dernière. Pour d’autres éléments, même des plus répandus et des mieux connus, les déterminations sont souvent encore tout à fait incertaines, ainsi qu’on peut s’en convaincre par les travaux des commissions qui se sont constituées dans ces derniers temps, précisément en vue de contrôler ces données et d’amener un accord[3]. Or, il ne faut point l’oublier, les analyses

  1. Ostwald. Lehrbuch der allgemeinen Chemie, 2e éd.}} Leipzig, 1891-93, p. 2.
  2. Ib.
  3. Cf. chez F. W. Clarke. Chemical News 86, 1902, le tableau comparatif des poids atomiques adoptés par la commission allemande et la commission internationale.