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CHAPITRE IV

LA CONSERVATION DE LA MATIÈRE

On trouve ce principe énoncé de manières fort diverses. Écartons tout d’abord la formule « rien ne se crée, rien ne se perd » qu’on lui attribue encore quelquefois et qui, évidemment, est beaucoup trop large : elle s’appliquerait tout aussi bien à la conservation de la vitesse et à celle de l’énergie, ce qui n’est pas surprenant puisque cette formule n’est, nous l’avons vu, qu’une des expressions du principe de causalité. Il faut donc dire au moins : la matière ne se crée ni ne se perd. Mais cette formule encore manque de précision. Voici un lingot d’argent : sa couleur, son éclat, sa dureté, sa malléabilité, sa conductibilité pour l’électricité et la chaleur, en un mot toutes les propriétés physiques que je lui connais font certainement partie intégrante de ma conception de cette matière. Entend-on affirmer que tout cela soit indestructible ? Assurément non, puisqu’il suffit de dissoudre le métal dans de l’acide azotique pour que toutes ces propriétés s’évanouissent. Le terme matière est donc pris ici dans un sens plus étroit que celui qui lui est assigné communément, et l’énoncé du principe doit être complété par une définition de ce terme. Afin de suivre l’évolution de la matière à travers des modifications analogues à celle que nous venons de faire subir au lingot d’argent, le chimiste se sert de la balance. C’est à l’aide de la balance que Lavoisier a accompli sa « révolution chimique », pour parler avec Berthelot. Il semble donc que le terme matière doive se définir par : ce qui est pesant. Remarquons cependant que ce poids, dont nous avons eu l’air d’affirmer l’indestructibilité, nous le voyons, sans surprise, se modifier selon l’endroit où nous faisons l’expérience : il ne sera pas strictement le même au pôle et sous l’équateur, et nous supposons que le même lingot d’argent, pesé à l’aide