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rieure[1] ». C’est là, dit Kant « la seule loi qui doive porter le nom de loi d’inertie ». En effet, combinée avec ce qui précède, elle donne bien la formule de d’Alembert ; car, d’une part, la matière se trouve incapable de sortir du repos, sinon sous l’action d’une force, et, d’autre part, le mouvement en ligne droite se trouve assimilé au repos. C’est, on le voit, la démonstration de Sextus Empiricus, mais retournée. Le sceptique grec se servait de conséquences du principe d’inertie pour démontrer que le mouvement ne saurait exister en soi ; Kant, étant parvenu à cette dernière idée par une voie différente, se fonde au contraire sur elle pour établir l’inertie.

Maxwell[2] a donné une démonstration qui est une combinaison de celle de d’Alembert avec celle de Kant. Maxwell suppose que le mouvement pourrait graduellement cesser. Ce serait donc en quelque sorte une accélération négative et elle se changerait en positive, si nous considérions le mouvement par rapport à un corps à qui nous prêterions un mouvement approprié. Cette démonstration semble bien réunir les inconvénients des deux systèmes. En tant qu’elle ressemble à celle de d’Alembert, elle repose tout comme cette dernière sur le principe de causalité, et, pour le reste, elle est évidemment fondée sur la notion de la relativité du mouvement, comme celle de Kant. Chez beaucoup de physiciens contemporains, d’ailleurs, cette notion de la relativité du mouvement ou de l’espace, dépouillée cependant de tout appareil métaphysique, apparaît comme une sorte d’axiome (bien qu’il ne manque pas, nous le verrons tout à l’heure, d’opinions contraires) et il convient plutôt de s’étonner de ce que, cette conception étant admise, on ne s’en serve pas pour établir le principe d’inertie.

Mais qu’est-ce au juste que la « relativité de l’espace » ?

Pour bien saisir le véritable caractère de cette notion, il ne sera peut-être pas superflu d’établir préalablement une distinction entre la relativité et l’homogénéité de l’espace. L’homogénéité est le caractère résultant du principe de libre mobilité, que nous avons reconnu comme fondamental au point de vue de notre concept de l’espace. L’espace nous apparaît donc comme absolument identique dans tous ses lieux ; du fait seul qu’un objet a changé de lieu, s’est déplacé, il ne saurait résulter pour lui aucune autre modification

  1. Kant, loc. cit., p. 76.
  2. Maxwell. Matter and Motion. Londres, 1902, p. 36.