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pendant un certain temps, indépendamment de la cause motrice, il se mouvra de lui-même pendant ce temps, uniformément et en ligne droite.

« Or, un corps qui peut se mouvoir de lui-même uniformément et en ligne droite, pendant un certain temps, doit continuer perpétuellement à se mouvoir de la même manière, si rien ne l’en empêche. Car supposons le corps partant de A et capable de parcourir de lui-même la ligne AB ; soient pris sur la ligne deux points quelconques, C, D, entre A et B. Le corps étant en D, est précisément dans le même état que lorsqu’il était en C, si ce n’est qu’il se trouve dans un autre lieu. Donc, il doit arriver à ce corps la même chose que quand il est en C. Or, étant en C, il peut (hypothèse) se mouvoir lui-même uniformément jusqu’en B. Donc, étant en D, il pourra se mouvoir de lui-même uniformément jusqu’au point C, tel que DC = CB, et ainsi de suite.

« Donc, si l’action première et instantanée de la cause motrice est capable de mouvoir le corps, il sera mû uniformément et en ligne droite, tant qu’une nouvelle cause ne l’en empêchera pas.

« Dans le second cas, puisqu’on suppose qu’aucune cause étrangère et différente de la cause motrice n’agit sur le corps, rien ne détermine donc la cause motrice à augmenter ou à diminuer ; d’où il s’ensuit que son action continuée sera uniforme et constante et qu’ainsi, pendant le temps qu’elle agira, le corps se mouvra en ligne droite et uniformément. Or, la même raison qui fait agir la cause motrice constamment et uniformément pendant un certain temps, subsistant toujours sans que rien ne s’oppose à cette action, il est clair que cette action doit demeurer continuellement la même et produire constamment le même effet. Donc, etc. »

Le « second cas » de d’Alembert se réfère évidemment à des idées aristotéliciennes dont on trouvait encore des traces en France à cette époque. Il est à remarquer que d’Alembert n’en tente nullement une réfutation, mais cherche plutôt à donner au principe d’inertie une apparence d’aristotélisme.

Mais la démonstration du « premier cas » mérite de nous arrêter plus longtemps. Elle se retrouve chez des auteurs postérieurs, notamment chez Lotze qui, avec moins de rigueur que d’Alembert, et en la transposant du langage mathématique dans le langage philosophique, la formule à peu près en ces termes : Si le mouvement ne devait pas durer indéfiniment,