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ment. » Ce qui est plus rond se meut avec plus de facilité. « C’est pourquoi, si la rondeur était au maximum, telle qu’elle ne pourrait être plus grande, elle se mouvrait comme par elle-même et serait à la fois moteur et mobile. » D’ailleurs, ce qui se meut ne saurait cesser de se mouvoir que s’il se comporte à un moment donné autrement qu’au moment précédent. « Par conséquent, la sphère sur une surface plane et égale, comme elle se comporte toujours de même, une fois mise en mouvement, se mouvra perpétuellement[1]. »

Nous avons, tout en conservant aussi fidèlement que possible les expressions de Cusa, interverti quelque peu l’ordre des phrases ; mais la marche de la déduction est bien telle que nous l’avons indiquée. Il y a évidemment, dans cet exposé, des idées qui approchent de notre concept de l’inertie, par exemple dans la phrase où il est question de la cessation du mouvement ; dans une autre phrase, que nous avons omise, Cusa dit que la boule se meut par l’impulsion qui dure en elle (impetum ipsum faciendo : quo durante movetur). Mais cela n’a trait qu’à la rotation et c’est, en fin de compte, uniquement par la persistance du mouvement de rotation et non pas, comme nous, par celle du mouvement de translation, que Cusa arrive à concevoir le mouvement perpétuel d’une boule sur un plan.

L’idée de la relativité du mouvement était évidemment indispensable à la théorie copernicienne du mouvement de la terre. Cependant, nous voyons que Copernic lui-même était très éloigné de supposer un principe général d’inertie. Il attribue en effet aux corps célestes, tout comme Aristote, un mouvement naturellement circulaire, en indiquant nettement que ce mouvement ne saurait donner lieu à l’apparition d’une force centrifuge[2]. Tel était encore l’avis de Telesio[3]. Képler, au contraire, croyait que les mouvements des planètes étaient dus à un effluve du soleil et que chacune d’elles s’arrêterait immédiatement à un point quelconque de sa trajectoire si le soleil cessait d’agir[4], ce qui était, si possible, plus éloigné

  1. Cusanus, l. c., p. 212-214.
  2. Nic. Copernici De revolutionibus orbium cœleslium, libri VI. Thorn, 1873, chap. VIII, p. 23.
  3. Bernardini Telesii Cosentini De rerum natura, etc. Naples, 1570, livre II, chap. 50, p. 85.
  4. Cf. Appendice III, p. 421 ss.