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mouvement circulaire et l’on remarque quelquefois, dans les explications concernant ce mouvement, des expressions qui semblent se rapprocher de celles dont nous usons à propos du mouvement inertial. Ainsi, dans les Quaestiones mechanicae attribuées à Aristote, il est dit : « Quelques-uns affirment que la ligne circulaire est continuellement en mouvement comme ce qui persiste parce qu’il offre de la résistance[1]. »

Les considérations du second ordre ont trait à la conception que nous désignons actuellement comme celle de la relativité du mouvement. Sextus Empiricus se représente un bateau se déplaçant avec une certaine vitesse, alors qu’un homme, tenant une poutre, se meut sur ce bateau avec la même vitesse, mais en sens inverse[2]. Comme résultat de ce double déplacement, il se trouve que la poutre, par rapport à L’eau et à l’air, ne s’est pas déplacée du tout (Sextus dit textuellement : « reste dans la même ligne perpendiculaire de l’air et de l’eau)[3] ». Comme, d’ailleurs, les mouvements dont il est parlé sont évidemment conçus comme rectilignes et uniformes, on serait porté à conclure que Sextus les a considérés pour cette raison comme relatifs, ce qui est l’essence même du principe d’inertie. Mais, en réalité, cette idée lui est demeurée certainement étrangère. Rien n’indique qu’il ait entendu établir une différence entre le déplacement rectiligne et les autres modes de mouvement ; au contraire, cet exposé est suivi chez lui de passages où, à l’aide de considérations d’un ordre très différent, il s’applique à démontrer la nature contradictoire du concept du mouvement de rotation. En effet, le célèbre sceptique cherche à ruiner le concept du déplacement en général, et les considérations sur le navire lui servent uniquement à démontrer cette conclusion qu’une chose « peut se mouvoir en se déplaçant, alors que ni la chose en totalité ni ses parties ne quittent l’endroit où elles se trouvent[4]. »

  1. Questiones mechanicae, éd. Van Cappelle. Amsterdam, 1812, chap. IX, p. 433.
  2. Sextus Empiricus, Adversus mathematicos, II adversus physicos, sectio II, De motu, § 55 ss. Opera, éd. Fabricius. Leipzig, 1718, p. 643.
  3. Ib., § 57.
  4. Ib.Rosenberger (Geschichte der Physik, Braunschweig, 1884, vol. I, p. 48) croit que l’absence des conceptions qui résultent pour nous du principe d’inertie a été une des raisons déterminantes du triomphe des théories géocentriques dans l’astronomie des anciens. Seuls les philosophes pouvaient envisager le mouvement de la terre ; les Alexandrins, habitués à observer, devaient s’écarter forcément d’une telle conception. — On ne peut pas dire que cette opinion se trouve contredite par l’exposé de