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provient uniquement du principe de l’identité dans le temps qu’elles cherchent à faire prévaloir, en d’autres termes de ce qu’elles font subsister quelque chose, la nature intime de la chose qui subsiste étant tout à fait secondaire. L’exposé des théories atomiques, d’après le système logique, peut se ramener au raisonnement suivant : Les phénomènes que nous apercevons nous paraissent inexplicables, à l’exception d’un seul, mettons le choc de deux corps. Ce dernier est entièrement clair, intelligible ; si nous le supposons fondamental, si nous parvenons à y ramener les autres, tout se trouvera expliqué. Or, nous avons vu que ce raisonnement pèche par son point de départ. Personne n’a jamais compris le choc de deux corps et personne ne le comprendra jamais, pas plus d’ailleurs que l’action à distance. Dira-t-on, conformément au système psychologique, qu’on a eu l’illusion de comprendre ? Sans doute, mais comment cette illusion, qu’il est si facile de reconnaître et qui a d’ailleurs été si clairement exposée par des philosophes, a-t-elle pu naître, comment persiste-t-elle avec cette vigueur, comment peut-elle servir de base à notre conception de la science et d’où vient que cette conception nous satisfasse à tel point ? Renversons les termes et l’énigme s’explique. Ce n’est pas parce que nous comprenons le corpuscule que nous le choisissons comme point de départ. Ce que nous postulons, c’est la persistance de quelque chose. Parmi les choses dont nous pouvons postuler la persistance, la moins incompréhensible, la plus proche de notre sensation immédiate ou plutôt de ce sens commun qui crée le monde extérieur, est le corpuscule matériel ; c’est donc de là que nous partirons. Il est incompréhensible au fond, dites-vous ? D’accord, mais pouvez-vous nous offrir un point de départ plus solide ? Sinon, nous nous en tiendrons à celui-là — car il nous faut à tout prix quelque chose qui subsiste — et, en négligeant entièrement ce qu’il recèle d’inexplicable et de contradictoire au fond, nous essaierons d’expliquer, avec son aide, le monde sensible. Ce n’est que si cette dernière opération échoue que nous songerons à modifier le point de départ ; nous substituerons alors au corpuscule le centre de force ou l’atome à la fois corpuscule et centre de force, — concepts encore plus incompréhensibles que le corpuscule lui-même, mais dont les contradictions ne nous embarrasseront pas davantage.

S’il fallait une preuve plus directe que tel est bien le pro-