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conceptions, se rattachant aux théories mécaniques ou atomiques, font preuve d’une curieuse fixité. Des observateurs impartiaux en sont frappés. C’est ainsi que M. Henri Poincaré constate que la plupart des conclusions de Fresnel, bien que fondées sur une hypothèse moléculaire, subsistent sans changement quand on adopte la théorie électromagnétique de la lumière[1]. M. Étard, tout en exprimant des doutes au sujet de l’existence des atomes et des molécules, fait cependant ressortir que l’ensemble des travaux les plus récents se classe sans difficulté dans le cadre de la théorie des ions de M. Svante Arrhénius, laquelle n’est elle-même qu’une forme de la théorie cinétique, de sorte que, finalement, la chimie générale « se confond avec la théorie atomique prise dans le sens le plus large[2]. » M. E. Rutherford, résumant les conceptions qui dominent la science actuelle, conceptions au développement desquelles il a tant contribué, déclare qu’elles confirment « la vieille théorie de la structure discontinue ou atomique de la matière[3]. » M. Larmor estime que le développement des théories électriques tend constamment vers l’atomisme[4], alors que, pendant la plus grande partie du xixe siècle, les théories régnantes dans cette partie de la science paraissaient fondées sur des suppositions très différentes[5]. M. Jean Perrin constate également que l’hypothèse atomistique qu’il qualifie d’heureuse « de plus en plus et malgré tout l’étonnement qu’on en peut ressentir, paraît bien mériter le nom d’exacte[6]. » M. Lucien Poincaré, en examinant les progrès de la physique moderne, note avec surprise que les hypothèses cinétiques sont en train d’y opérer de nouvelles conquêtes. « L’histoire de la physique, semblable à l’histoire des peuples, ne serait-elle donc qu’un éternel recommencement

  1. H. Poincaré. Leçons sur la théorie mathématique de la lumière. Paris, 1889, p. III.
  2. A. Étard. Les nouvelles théories chimiques, 3e éd. Paris, s. d., p. 8, 30, 35, 44.
  3. E. Rutherford. Radio-Activity, 2e éd. Cambridge, 1905, p. 1.
  4. Larmor. Ether and Matter, Cambridge, 1900, p. 25. La marche de la science depuis que M. Larmor a formulé cette opinion tend à la confirmer. À l’heure actuelle, la structure atomique de l’électricité apparaît certainement à la plupart des physiciens comme la base assurée de tout l’édifice théorique de cette partie de la science. Cf. J.-J. Thomson, Electricity and Matter. Cambridge, 1905, p. 41 ss., et Mme Curie, Revue scientifique, 17 nov. 1906, p. 609.
  5. Larmor, l. c., p. 71.
  6. Bulletin de la Société française de philosophie, 6e année, 1906, p. 85.