part de nos chansons de geste, constituent toute la bataille, ne sont, dans Girart de Roussillon, que des épisodes. Le poète a l’idée des mouvements d’ensemble ; il nous représente les échelles chargeant en bataille après avoir poussé leur cri de guerre. Il sait quelle émotion invincible s’empare des âmes les mieux trempées au moment où les deux lignes vont s’aborder la lance baissée, et l’indique d’un mot où l’on ne peut méconnaître un profond sentiment de la réalité : « Les Bretons crient Malo ! les Gascons Biez ! À l’abaisser des lances, tous se taisent » (§ 147)[1]. Certains corps sont assez solides pour fournir une charge en retour, après avoir une première fois traversé la ligne ennemie (§§ 152, 392). On a soin d’ailleurs de garder en réserve des troupes sûres qu’on n’engage qu’au dernier moment (§ 392).
Dans les guerres du moyen âge, qui ont ordinairement un champ d’action assez restreint, la troupe la plus faible réussit facilement à se soustraire à la poursuite de l’ennemi en se réfugiant dans des châteaux-forts. Les engagements décisifs sont rares, et la guerre consiste surtout en sièges et en ravages réciproques exercés sur les territoires des deux seigneurs ennemis. Ces dévastations sont opérées avec une cruauté systématique. On incendie les villages, on brûle les moissons, on coupe les vignes et les arbres fruitiers, on enlève les troupeaux, on massacre, on mutile les paysans (§§ 121, 127, 132, 283). Mais, malgré ces ruines, les deux adversaires, pourvu qu’ils aient des lieux de refuge suffisamment forts et assez d’argent pour entretenir de petits corps de troupes, peuvent continuer longtemps la lutte. C’est à cette sorte de guerre que
- ↑ Même idée et même expression à la fin du § 163.