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iv. état des personnes et civilisation

criptions de batailles ont un certain air de réalité. Sur ce point, comme sur bien d’autres, notre poème contraste avantageusement avec la masse des chansons de geste françaises. On distingue, dans les engagements où Charles et Girart sont aux prises, des mouvements d’ensemble ; les guerriers ne se portent pas de coups invraisemblables, les blessés ne survivent pas à des blessures mortelles. Groupons ici quelques faits.

Pour reprendre Roussillon qui lui a été enlevé par trahison, Girart combine une opération qui réussit à souhait. À un signal donné par un feu allumé à grande distance, un de ses alliés vient, à la tête d’une troupe peu nombreuse, défier le roi dans Roussillon. Celui-ci sort aussitôt à la tête des siens et est surpris par Girart qui lui inflige une sanglante défaite et le force, en lui coupant la retraite du côté de Roussillon, à se réfugier à Reims (§§ 75-89). Une circonstance notable, c’est que Girart, pour dérober sa marche, a eu soin de faire garder les passages des bois par où Charles aurait pu recevoir des informations. C’est presque de la stratégie.

L’engagement dont nous venons de parler a le caractère d’une surprise, et, du côté de Charles, toute disposition tactique fait défaut. Mais dans les batailles prévues de part et d’autre et où deux armées nombreuses sont mises aux prises, les troupes sont divisées en échelles. Ces divisions sont généralement formées d’hommes du même pays ou de pays voisins (§ 323). C’est du reste ce qui peut être constaté en une infinité d’autres textes. Mais ces corps n’étaient pas permanents : on les formait au moment de l’action quand on avait le temps[1], et souvent

  1. Voy., pour ne citer qu’un exemple, le récit de la bataille d’Antio-