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état des personnes et civilisation

livrent au métier des armes est très limité, et toute expédition guerrière se fait avec le concours de levées qui n’ont aucune éducation militaire. Toute stratégie disparaît, et la tactique se réduit à quelques principes très élémentaires sur l’art de former les escadrons pour la charge, et sur celui de dresser des embuscades, ou, pour me servir de l’expression du moyen âge, des aguets. Certaines pratiques qui s’introduisent peu à peu contribuent à retarder le perfectionnement de la tactique. Ainsi tout homme qui a réussi à faire un prisonnier ou à mettre la main sur un cheval dont le cavalier a été désarçonné se croit permis de sortir de la mêlée pour mettre sa prise en lieu sûr[1]. De sorte que, la première phase de l’attaque passée, il n’y a plus de manœuvres possibles. Ce n’est pas avant le xiie siècle que l’on voit des corps spéciaux, les Templiers et les Hospitaliers, obéir au commandement, rester en ligne ou se reformer après la charge, en un mot, manœuvrer en troupes disciplinées. Aussi voit-on par les historiens des croisades qu’ils sont les seuls qui entendent l’art militaire. Sur un seul point, on avait conservé quelque chose de la tradition de l’antiquité. L’attaque et la défense des places continuaient à s’opérer avec une certaine science[2]. Mais les opérations de siège étaient généralement dirigées par des hommes dont c’était la profession.

  1. On voit dans le roman de Horn et Rimenhild (éd. Fr. Michel, vv. 3288-90) qu’il était nécessaire de défendre expressément de prendre des chevaux pendant le combat.
  2. Il se peut même que, sur certains points, les gens du moyen âge aient perfectionné la poliorcétique des anciens. Anne Comnène dit que Boemond en savait plus que Démétrius Poliorcète lui-même (l. XII, ch. ix, éd. du Louvre, p. 370). Il y a là un sujet d’étude encore à peu près vierge.