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xlvii
iii. — l’ancienne et la nouvelle chanson

Nous avons pu prouver que le renouveleur avait, au début et dans la dernière partie de son œuvre, modifié de la façon la plus grave les données du poème original. A-t-il, en d’autres endroits encore, traité ailleurs son modèle avec la même liberté ? Je ne le pense pas : du moins la comparaison avec la vie latine n’en donne pas la preuve. D’ailleurs, s’il l’avait fait, que serait-il resté de l’œuvre primitive ? Mais, entre une copie pure et simple et une reconstruction totale, il y a de la marge pour bien des retouches, et cette marge, notre renouveleur a pu en user largement à notre insu. Les récits que l’hagiographe a empruntés à l’ancien poème sont si écourtés, ils sont si loin de nous fournir une analyse fidèle et complète de l’original, que le renouveleur a pu se permettre de nombreuses libertés sans que nous soyons en état de le prendre sur le fait. Nous en savons assez toutefois pour être assurés qu’il était capable de trouver de lui-même, en prenant ce terme dans toute l’étendue qu’il comporte.

Et d’abord, il savait composer. La troisième partie du poème, où son imagination paraît s’être donné libre carrière, est, si on la prend en elle-même, un petit poème complet et assez compliqué. Les événements s’y pressent sans se confondre. Deux actions, tendant à un même dénouement, y courent parallèlement sans que la clarté de l’exposition en souffre. D’un côté, c’est la reine qui organise la défense, de l’autre, Girart et Fouque qui, se conformant fidèlement à ses conseils, combattent leurs ennemis et reconquièrent leurs héritages. Tout cela est mené avec une rapidité et un entrain qui ne laissent pas l’intérêt languir un instant.

Il savait voir juste et avait le don de communiquer en-