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girart de roussillon

bés ou prieurs. Aussi loin que s’étend la Bourgogne, où est Dijon, il y a bien peu d’églises qui n’aient pas été fondées par eux. Sainte Église fait pour eux deux de grands biens, de grandes aumônes, de grands pardons, et c’est justice, car ils l’ont enrichie[1].

676. Si Girart fit dans les premiers temps beaucoup de mal, il l’amenda largement à la fin. Il accomplit une grande pénitence en un moutier bon et riche qu’il fit bâtir lui-même. Il y mit cent damoiselles et y fit un bâtiment pour les moines[2]. Les clercs n’y font que prier Dieu pour lui et pour dame Berte, son épouse. Il leur assigna mille marcs de rente, rien de moins. Celui-là peut s’en convaincre qui voudra y aller voir. Tout homme qui aime Dieu et Jésus-Christ doit bien aimer dame Berte, la duchesse, car elle a fait et fait encore tant de bien. Prions Dieu tous ensemble qu’elle en soit récompensée, la bonne chère dame, la meilleure qui ait jamais été et puisse être.

677. À Vezelai l’abbaye sont ensevelis le duc et la duchesse, selon ce qu’on rapporte. Oyez tous la chanson, joyeux ou affligés, les joyeux pour que les prouesses qu’ils auront entendues les rendent plus aptes à toute prouesse, les affligés pour qu’ils en parlent de science plus certaine et se gardent de faire la guerre et de causer des désastres ; pour les uns et pour les autres, ce sera profit. En cette chanson est tout écrit comme on peut faire la guerre et vivre en paix[3].

  1. Après avoir parlé des églises fondées par Girart, l’auteur du roman bourguignon dit de même :

    Bien y doit on pour eulz prier, lire et chanter,
    Quant si bien les voussirent de leur propre renter.

    (Éd. Mignard, p. 248.)
  2. J’interprète ainsi e i fetz mongier (v. 8974). Il s’agit probablement, d’après la mention des clercs qui suit immédiatement, d’un monastère double, où les religieux et les religieuses vivaient dans la même enceinte, quoique dans des bâtiments séparés ; voy. Du Cange, Monasterium duplex. Telle était l’abbaye de Sempringham, qui a été célébrée par un poème satirique ; voy. Th. Wright, The political Songs of England, (London, 1839), pp. 137-48 et 371.
  3. La traduction de ces derniers vers, dont le texte est en partie corrompu, est conjecturale.