Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
girart de roussillon

gneurs, il faudrait avoir le cœur mauvais et félon pour croire ce que peut dire sur ma femme un fou ou un gars. — Comte, tu peux bien voir se vérifier ta vision. Puisse Dieu te confondre, et ce sera justice, si jamais tu chausses éperon pour la guerre ! — Je m’en garderai bien, » dit-il, « Dieu me pardonne ! » Et le gars s’enfuit ; il aime mieux se réfugier dans les bois que dans sa maison.

658. Girart se tenait, lui quatrième, dans sa cachette. Une lueur descendit du ciel, par la volonté divine, au grand ébahissement du comte et des siens. Il vit Berte, sa femme, qui tenait le sac, l’autre y mettait le sablon qu’il tirait du sol, et le chapelain Gui.....[1] Girart, à cette vue, fut transporté de joie : « Pèlerin, » dit-il, « vous ne serez pas battu pour cela ; au contraire, je compte bien vous donner bonne récompense. »

659. Le sablon était pesant et grand le sac. Le pèlerin le tenait contre lui et marchait derrière ; la comtesse allait devant, à petits pas. Du pied droit, elle marcha sur sa robe et tomba en avant à terre. Cependant la perche [qui supportait le sac] resta droite. « Mauvais homme, relève-la, » dit Andicas[2], Girart y courut, disant : « Misérable que je suis ! Comtesse amie, comme ton cœur est pur ! Comme le mien est mauvais, félon, diabolique ! Tu t’es abîmé le visage et le front ! — Non, sire. Dieu merci ! Et toi, comment es-tu ici ? — Amie, » dit Girart, « tu le sauras bientôt[3]. »

660. « Pèlerin, laisse-moi porter, car c’est mon affaire ; je veux en ceci tenir compagnie à ma dame, et être de moitié

  1. E le capelan Gui sest quam vol iac ; ce vers ne se trouve que dans Oxf.
  2. À Girart.
  3. Les deux miracles opérés en faveur de Berte (la lueur qui descend du ciel, §§ 657-8, et la perche suspendue en l’air, § 659) sont encore racontés dans la Vie latine de Girart de Roussillon, mais le premier est rapporté à la fondation de Vézelai, et le second à celle de Pothières. Voy. Romania, VII, 192, 194, et, p. 229, la note sur les §§ 83-101.