qu’elle accomplit afin que Dieu protège son époux, où qu’il soit. Et celui[1] qui connaît la pureté de son cœur lui montra par des signes apparents qu’elle n’avait pas à se décourager de l’aimer et de le servir, car il lui en savait gré.
642. Cette dame était l’ennemie de tout homme qui, par cupidité, rend un faux jugement. Elle ne chevauchait pas en cachette, mais, un mois d’avance, elle faisait connaître son intention, de sorte que les pauvres gens venaient se placer sur son chemin. Et elle levait souvent ses yeux vers Dieu, le priant de lui tenir compte des aumônes qu’elle leur faisait. Elle descendit à Vezelai. La nuit, en son sommeil, elle songea qu’elle voyait un diable en forme de serpent qui lui voulait faire boire de son venin, comme si c’eût été du piment[2], quand la puissance céleste vint l’en défendre. Le lendemain, elle conta ce songe au moine Garcen.
613. « Moine, écoutez mon songe ; d’où peut-il venir ? J’ai vu un diable sous la forme d’une couleuvre qui cherchait à me faire périr par son mauvais venin, voulant me faire boire dans un vase de cuivre[3], lorsque du ciel il commença à pleuvoir de la manne. Aussitôt le serpent s’enfuit sous un chêne. — Dame, c’est qu’il est affligé de l’œuvre sainte que tu as entreprise, et du grand bien que tu fais aux pauvres. Dieu te protège, qui peut lier et délier ! »
644. Après avoir donné la charité aux malheureux, du pain, de la viande, de la venaison, des deniers, elle se rend à la construction. Elle se tient à l’ombre d’un laurier, avec elle Garcen et Aibeline. Elle vit un pèlerin qui ne cessait de travailler, portant de la pierre, du mortier, de l’eau