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girart de roussillon

584. Avant que Fouque entrât dans Roussillon, Girart vint à sa rencontre par un champ. Il baisa en premier lieu Aupais, puis Fouque. « Sire » (dit-elle), « je le[1] vous rends en don, pour que vous me le donniez à pair et à compagnon. — Par mon chef ! » dit Girart, « cela me plaît ainsi. Et vous[2], qu’en pensez-vous ? » Et Fouque s’empressa de répondre : « Je me donne et me livre tout entier à elle. » On fit demander à la reine par Droon où il lui plairait que fussent conduits les prisonniers, en tour, en château ou en donjon. La reine répondit de n’en rien faire, mais de laisser les bourgeois garder chacun son prisonnier jusqu’à tant qu’on se fût entendu sur la rançon. Entre temps, Fouque descend en dehors de Roussillon, sur le perron.

585. On descendit au perron sous un laurier. Sur le perron était placé un taureau d’airain fondu. Fouque reçut Aupais, sa bien-aimée, d’entre les arçons dorés et travaillés à jour[3]. La reine survint avec sa sœur. Toutes deux baisèrent Aupais à la blonde chevelure. Ils se rendirent en une chambre peinte d’azur et d’or et s’assirent à la fenêtre, vers le jour[4]. Là ils parlent des prisonniers et de leur valeur et d’Oudin le riche, qui possédait un grand trésor.

586. Dans la chambre étaient réunis Fouque, Girart, Bertran, Bertelais, la reine et sa sœur Berte, et Aupais : il n’y avait personne autre. Girart dit à Fouque : « Que fais-tu des prisonniers ? » Et Fouque répondit : « Ce qu’il plaira à Madame, qui t’a sauvé la vie et à moi aussi. » Bertelais parla, tandis que Bertran se taisait[5]... « Oudin lui donnera

  1. « Le » désigne Fouque.
  2. S’adressant à Fouque.
  3. C’est la façon habituelle d’aider les femmes à descendre de cheval ; cf. § 598.
  4. On sait qu’en général des sièges étaient taillés dans l’épaisseur du mur, de chaque côté des fenêtres.
  5. Ici deux vers dans Oxf. (un seulement dans L. et P.) que je ne sais comment rattacher à ce qui précède et à ce qui suit. « Jamais le duc Girart ne fut en émoi, et je ne veux pas qu’il le soit désormais. »