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girart de roussillon

femme lui dit : « Ne dis point cela, mais prions Dieu qu’il nous conseille. »

525. De là il se hébergea en une habitation où les fils et le père avaient péri par sa guerre. Là vous eussiez entendu fille et mère proférer des malédictions, [et traiter Girart comme un larron[1]] ! Sans sa femme, il n’aurait pu supporter longtemps la vie : elle est sage, courtoise et bonne ; un prédicateur ne parle pas mieux : « Sire, laisse les regrets, éloigne-les de toi. De tout temps tu as été orgueilleux, guerroyeur, batailleur et acharné pour tes intérêts. Tu as tué plus d’hommes que tu ne saurais le dire, et appauvri leurs héritiers et toute leur famille. Voilà que Dieu en prend justice, le vrai justicier. Souviens toi du prud’homme du bois de chênes[2] qui t’a donné pour pénitence de souffrir le mal. Si tu la veux faire, un jour tu recouvreras ton fief ! »

526. Et de là il se hébergea à Porz Cairaz[3], d’où partent les chemins de sept comtés. Là ils apprennent des nouvelles véritables : un messager y est passé la veille. Charles en a envoyé dans tous les sens : Qui trouvera Girart, s’il le lui amène, il en recevra sept fois le poids en or et en argent. « Sire, » dit la comtesse, « croyez-moi : évitons les châteaux et les cités, les chevaliers, les hommes puissants, car la félonie est grande, et aussi la cupidité. Cher sire, votre nom, changez-le. » Et il lui répondit : « Comme il vous plaira. » Sur-le champ il s’appela Jocel Maunaz[4]. Il se logea chez un richard au cœur dur, qui avait une femme plus dure encore. Là lui prit une maladie telle que de quarante jours il ne se leva point, jusqu’à la nuit de Noël, où Dieu naquit. Alors [le maître] le fit jeter hors de sa maison, dans

  1. Vers qui ne se trouve que dans P. (v. 6653).
  2. Ou « de Caire », voir § 513.
  3. C’est la leçon d’Oxford, P. a ortz dauraz, et L portz miraz.
  4. M. à m. « mal né » ; c’est la leçon de P. (v. 6680) ; Oxf. mauiaz, L. maniaz, David Aubert (fol. 469) « Josse le mauvais ».