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girart de roussillon

pour le comte, d’avoir perdu ses armes et les chevaux, Engoïs resta là à la garde de Dieu. Plus tard, le comte Bertran la prit pour femme[1]. Celui qui montre trop d’orgueil, je ne l’estime pas un gant. C’est pour Girart que je vous dis cela, qui, pour avoir été trop orgueilleux, fut ensuite ruiné pendant vingt-deux ans. Mais ensuite, sa fin fut telle, dit la chanson, que jamais homme ne fit meilleure.

513. Quand la nuit fut passée et que le jour commença, Girart vit qu’il avait tout perdu ; il ne savait que faire, il s’écriait : « Malheureux pécheur ! » L’ermite lui dit : « Calmez-vous, frère. Priez Dieu et sa mère de vous aider, de vous conseiller. Il le peut bien. Voyez-vous ce chemin qui mène à Rancaire[2] ? Vous traverserez un bois de chêne[3] de la forêt d’Ardenne, et vous ne tarderez pas à rencontrer un ermite, qui est si vieux, si blanchi, qu’il en est tout courbé. — Par Dieu ! dit la dame, j’y veux aller ; il nous conseillera ce que nous pourrons faire. »

514. L’ermite les conseilla sagement, et, en homme charitable, il leur donna à souper du cidre de sa façon et du pain d’avoine ; puis il les mit dans la voie et les conduisit à travers une clairière de la forêt d’Ardenne. Vers midi, ils arrivèrent à l’ermitage ; là, ils trouvèrent le saint homme qui souffre pour Dieu. Il ne portait point de vêtements tissés, mais une peau de chèvre, avec des haillons de laine[4] sur l’échine ; il était prosterné à terre, les genoux et les coudes nus, et priait Marie Madeleine de lui inspirer des prières salutaires.

  1. Voy. plus loin, §§ 598-9.
  2. Lieu que je ne sais déterminer ; voy. p. 156, n. 3.
  3. Traduction fort douteuse ; il est possible que Caire soit un nom de lieu, comme au § 315. P. (v. 6476) de traire.
  4. On sait que porter la laine, à l’exclusion de la toile, « aller en langes », comme on disait autrefois, était un acte de pénitence ; on peut voir, à cet égard, les témoignages rassemblés dans une note de l’édition partielle de l’Historia ecclesiastica de Bède par Mayor et Lumby (Cambridge, 1878), p. 347.