Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
girart de roussillon

par le champ de bataille. Il était irrité contre Charles, et avait le cœur fier. Son visage[1] et son cou étaient noircis par le haubert ; il en portait un qui était fort et double. Son heaume était vergé d’or fin ; l’épée qu’il avait ceinte était d’acier bruni. Il portait une lance aiguisée dont il savait se servir. Il chevauchait un cheval clair, balzan et noir[2] ; il avait l’enfourchure large[3], et avait bien l’air d’un riche comte et d’un fort guerrier. Il sortit d’entre les siens, à la distance d’un trait d’arc, et alla frapper un comte Berengier. Il lui trancha l’écu sous l’appui[4]. Le fer (de l’écu) ne put résister à l’acier (de la lance) : il l’abattit mort à terre. Là se heurtent Bourguignons et Berruyers[5], chasés[6] et étrangers et soudoyers ; là vous auriez vu briser tant de lances, porter tant de coups d’estoc et de taille, et tant de chevaux privés de leurs cavaliers ! Boson eut l’honneur d’avoir porté les premiers coups dans cette bataille[7].

489. Voici par la bataille le comte Fouque. Il est irrité contre Charles et le fait bien voir. Il a abattu trois de ses adversaires et tué Oton ; puis il frappe le preux Gace de Dreux. Il n’y a pas de haubert qui tienne contre sa lance :

  1. Charn de P. (v. 6196) vaut peut-être mieux que caire d’Oxf. Cependant, le haubert s’attachait au heaume, et ainsi touchait au bas du visage.
  2. Il m’est difficile de concevoir comment un cheval peut être à la fois clair (saur) et noir.
  3. Voy. ci-dessus, § 450.
  4. Voy. pp. 128, n. 3. et 167, n. 1.
  5. Les Bourguignons sont naturellement du parti de Girart, les Berruyers sont avec Charles ; voy. § 56.
  6. Le sens propre de chasés (casat) ressort ici de l’opposition à « étrangers et soudoyers » plus nettement que dans les passages (pp. 53, n. 2, et 70. n. 4) où nous avons déjà rencontré le même mot : Les chasés sont ceux qui ont obtenu une concession, à titre viager, sur les terres de leur seigneur ; voy. Brussel, Traité des fiefs, III, viii, et Guérard, Cartul. de Saint-Père, prolég., p. xxxii, n. 1.
  7. Cf. p. 149, n. 4.