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girart de roussillon

a perdu Roussillon, ce qui lui est douloureux. Ce messager m’apporte une nouvelle étonnante : Girart a fait armer sa gent d’armes vermeilles. » Après parla Hugues, le duc de Broyes[1] : « Sire, ne faites pas ici la sourde oreille, mais faites armer votre gent ; tenez-vous prêt.

483. — Seigneurs, » leur dit Charles, « je vous le dis, à vous que j’ai aimés et nourris. Aidez-moi, à venger mon ami, le duc Thierri[2], le noble chevalier. Si, dans la bataille prochaine, je puis chasser du champ mon ennemi, je ne laisserai pas un seul été, de lui enlever des châteaux. » Tous l’assurent qu’ils lui viendront en aide. Jamais vous ne vîtes un roi d’une amitié aussi sûre, qui eût autant d’attachement pour un guerrier vaillant. On le vit bien ce jour-là, à la façon dont on frappa en la bataille[3]. Le comte Girart fit une sottise quand, après cela, il chevaucha contre Charles.

484. Quand la nuit fut passée et que le jour parut, le comte Girart, qui avait l’expérience de la guerre, forma trois échelles de chevaliers, quatre de sergents et de bourgeois[4]. Ils abandonnent les bois et chevauchent par la plaine, serrés comme les gouttes de pluie, les grêlons ou la neige ; les lances se touchent. Quand Charles les vit, il en fut tout ému. Il s’adressa à ses barons et à ses marquis : « Qui s’est vanté de porter les premiers coups[5] ? — Sire, ce sera moi, dit Oton le champenois. — Grand merci, » reprit Charles ; « si je puis me tirer d’ici, j’accroîtrai votre fief, si je suis encore roi portant couronne. »

485. Girart était entendu à la guerre et animé d’un vif ressentiment. Il dit à Boson, qui n’était pas homme à recu-

  1. Voy. ci-dessus, p. 39, n. 3.
  2. D’après P. (v. 6143). Dans Oxf., il y a seulement « mes amis, aidez-moi à me venger ».
  3. L’auteur contraste le caractère de Charles avec celui de Girart tel qu’il est dépeint aux §§ 374-7.
  4. C’est-à-dire de fantassins.
  5. Voy. p. 149, note 4.