Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
girart de roussillon

lui laisser dire aucune parole qui puisse le faire passer pour un homme téméraire ou léger, ni que Girart puisse prendre pour une insulte. Puis il se signe et sort. Son compagnon l’attendait à la porte. Il reprit son épée, la remit au fourreau et traversa la place au petit pas. Là il rencontra le comte Etienne, Robert, Guillaume, Aimenon[1], Ranoul, Thibaut, Ace, et comme ceux-ci s’apprêtaient à l’interpeller, Girart, qui parlait à Doitran, à Fouque et à Boson, le comte d’Escarpion, les laissa tous en voyant Pierre, et, se levant, lui adressa la parole [lui demandant des nouvelles du roi Charles, s’il l’a laissé à Paris ou à Soissons[2]].

253. Girart se leva, quand il vit Pierre ; il le prit par le poing, le fit asseoir près de lui, et lui demanda quand il avait quitté Charles, et s’il en avait des nouvelles, maudissant quiconque ne lui en dirait pas la vérité. — « C’est à Paris que je l’ai laissé, » répond Pierre. « Il te fait dire par moi que c’est toi qui as comploté le meurtre du duc Thierri d’Ascane. Celui, quel qu’il soit, qui a pris part au complot ou l’a laissé faire, ou a porté la main sur le duc, si tu ne le bannis pas de sa terre, le roi te fera la guerre. » Girart, lorsqu’il entendit ces paroles, fut affligé. Il se tourna vers Fouque avec un sourire feint.

254. « Pierre, as-tu d’autres nouvelles de la part du roi ? — Celles que je sais, je ne les dois pas cacher. Mon seigneur, te mande, et je te le répète, que tu ailles lui faire droit en sa merci, à Soissons, ou à Reims à Saint-Remi. Mène avec toi, de tes meilleurs hommes. Et ne doutez pas qu’il vous jugera comme on doit juger un comte tel que vous. — Si j’y vais ! » reprit Girart[3].

  1. Aiennon Oxf. et Aenmon L. me semblent dériver d’une mauvaise leçon qui se serait trouvée dans l’original commun à ces deux mss. ; Aimeno P. (v. 3347), que j’adopte, doit être le personnage qui sera mentionné aux §§ 255-7.
  2. Ce qui est entre [ ] ne se trouve que dans P. (vv. 3353-4).
  3. P. (v. 3378) ajoute : « Qui demande merci à un mauvais seigneur est bien en peine ».