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girart de roussillon

195. Ce fut dans les brillants et longs jours de mai, à la belle saison, que Charles livra bataille près de la Gironde aux païens d’Esclaudie[1], une gent blonde ; il y avait aussi des Africains, noirs comme l’hirondelle. Seguran de Syrie, à qui est Mappemonde[2], conduit cette gent que Dieu confonde ! De ces païens mauvais il y a un tel nombre que Charles n’y voudrait pas être pour le monde entier. Il ne trouve personne qui réponde au cri de son enseigne, quand le comte Girart débouche de Vaupréonde, portant lance acérée et targe ronde. Sa première échelle et la seconde abordent ensemble l’ennemi. Alors la bataille fut si acharnée, que l’eau est rouge du sang qui coule vers la mer[3].

196. Jamais vous ne vîtes roi aussi désolé, quand Girart le comte aborda l’ennemi. Jamais je ne vis baron si preux, si dur, ni si grande prouesse de comte. Tout le jour ils se battent jusqu’à la brune. À la nuit tombante[4], les Turcs sont vaincus, les païens et les Africains du roi Seguran, et aucun n’échappa sinon par la fuite.

197. La bataille est gagnée et la lutte terminée et Girart

  1. L’Esclaudie est mentionnée, d’une façon fort peu précise, dans Ogier, v. 12020, et dans la Prise de Rome, v. 76 (Romaina, II, 7). Dans ce dernier texte il est dit de Laban, père de Fierabras :

    L’Arabie tient tote desque la Rouge mer,
    Et Aufrike et Europe, Esclaudie sa pier.

    Est-ce le pays des Esclaus ou Esclavons (cf. § 190) ? l’épithète « blonde » serait en faveur de cette interprétation. L’Esclaudie est souvent nommée dans un poëme moins ancien, le Chevalier au cygne, éd. Reiffenberg, vv. 9425, 10054, 11690, 14621, etc. Dans le même poëme est indiqué un fleuve d’Esclaudie qui serait voisin d’Ascalon, vv. 21764, 33234. Un fabuleux roi d’Esclaudie est mentionné dans le Bastart de Bouillon, v. 3043,

  2. Fist la pennunde Oxf., est évidemment corrompu ; fist Mapemonde L., n’est pas clair ; je suis P. (v. 2626) cui er Mapmonda, leçon qui n’est pas non plus bien satisfaisante.
  3. C’est d’après P. (v. 2635) l’eau de la Gironde.
  4. D’après P. (v. 2641) ; « à l’aube apparaissante » Oxf. L.