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girart de roussillon

aucun de nous ne te devrait aimer. Croyez-vous que mal agir vous fasse aimer ? Nous ne sommes pas des Anglais d’outre-mer[1] ! Quand tu alas en Espagne à la tête de ton armée, où je portai ton enseigne pour guider, tu m’as laissé dans le pire lieu que tu as pu trouver, à Narbonne, me chargeant de te la garder. Là m’assaillent les païens d’outre-mer : ils m’ont fait clore et terrasser mes portes[2]. Vous n’auriez pas été assez preux, assez fort guerrier pour venir de France me secourir. Je me tiendrai avec Girart, si Dieu me protège ! » Et le roi fut si affligé qu’il ne sut que faire, mais il demande son cheval et monte.

194. Là-dessus, Charles est monté pour porter secours. Jamais un roi n’eut si grande valeur. Il envoya ses messagers tout à l’entour, et manda ses barons et ses vavasseurs. En quatre jours, il en eut quinze mille, qui se joignirent à lui à Tours. Il envoya pour Girart en ce besoin. Ce fut orgueil, félonie et malveillance que sans lui il commença la grande bataille, et pourtant Girart en eut l’honneur.

    ches, p. 25, note 2), mais, d’après la chanson qui porte son nom, c’est l’Espagne, et non Narbonne, qui lui est confiée par Charlemagne. Le discours qui est ici placé dans la bouche d’Anséis conviendrait donc mieux à Aimeri de Narbonne, héros bien connu des chansons françaises de Guillaume au court nez. La leçon Anseïs (qui manque au ms. P. où on lit simplement Ducs de Narbona, v. 2599), semble la répétition du nom du comte Anséis que nous venons de voir parler le premier dans le conseil de Charles. Je suis donc porté à croire, contrairement à ce que j’ai dit dans mes Recherches (l. l.), qu’on peut corriger « Aimeri de Narbonne », quoique plus loin (ms. de Paris v. 4193 et 4222) Aimeri figure au nombre des vassaux de Girart, et non, comme ici, parmi ceux de Charles.

  1. C’est-à-dire : nous ne sommes pas, comme les Anglais, protégés par la mer contre les Sarrazins.
  2. En cas de siège, on obstruait les portes par des terrassements, voy. Du Cange terratus. Cette opération fut faite en 1202 par les habitants de Mirebeau, assiégés par le roi Jean-sans-Terre, Bouquet, XVIII, 95) ; en 1340 par ceux de Tournai qu’assiégeait Édouard III, voy. Froissart, éd. Luce, II, 232.