Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
girart de roussillon

au sujet du roi frison qui lui a déclaré la guerre[1], ainsi que les Saxons. Les messagers descendent tous au perron ; ils entrent là où Charles se tient, et lui disent des nouvelles qui ne lui plaisent guère.

191. Le premier parla un comte, don Anséis : « Ah ! Charles Martel, comme tu as mal fait lorsque, en Vaubeton, tu as livré bataille et tué Drogon, ton baron. Tu as cru gagner en puissance, et tu t’es affaibli ! Nous avons perdu les marches que le duc [Drogon] avait conquises[2] : d’un côté, te sont venus les Almoravides, et, de l’autre, te font la guerre Saxons et Frisons. Si Girart ne te vient en aide, tu es pris. » Et le roi, de tristesse devint sombre.

192. Ensuite par la Ernaut[3], qui tint Girone : « Sire roi, votre amour ne m’est pas profitable. Là-bas, du côté de l’Espagne, tu m’as placé en bordure : je suis assailli par les païens du monde entier. Je ne puis voler en France, je ne suis pas une hirondelle, et je n’ose sauter en la mer : elle est trop profonde. Que Jésus confonde tout votre secours ! Je ferai hommage à Girart, par Dieu du monde ! » Et le roi ne trouve rien à lui répondre.

193. Anséis de Narbonne[4] parla en baron : « Sire roi,

  1. Raimbaut, roi de Frise : voir ci-après § 199. Il est le héros de traditions qui ne nous sont parvenues que fort incomplètes, voy. G. Paris, Hist. poétique de Charlemagne, p. 293.
  2. Cf. § 99.
  3. D’après P (v. 2591) ; Tenarz, Oxf. et L., ne me rappelle rien. Ernaut de Girone, au contraire, est un personnage épique qui figure comme héros principal dans un poëme latin dont un notable fragment, mis en prose, nous a été conservé : le fragment de la Haye ; voy. G. Paris, Hist. poét. de Charlem., p. 84. Le même personnage est mentionné par occasions en diverses chansons de geste, par ex. dans Aliscans, éd. Guessard et de Montaiglon, vv. 2140, 4135, 4933, dans Gaufrei, v. 114, etc. ; voy. aussi mes Recherches sur l’épopée française, p. 24 et 25 (ou Bibl. de l’École des chartes, 6, III, 62). La leçon Ernaut étant adoptée, il devient nécessaire de traduire le Gironde du texte par Girone, et non, comme plus haut, § 190 par Gironde.
  4. Anséis est, comme Ernaut, un personnage épique (voir mes Recher-