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girart de roussillon

belle plaine ; on n’y voyait ni fossé, ni barrière, ni bois, ni ramée. Les Angevins marchent les premiers avec les Manceaux, le comte Joffroi d’Angers et les Tourangeaux. Girart a vingt mille hommes en un corps. Il n’y en a parmi eux un seul trop vieux ni imberbe[1]. Boson, Fouque et Seguin en tiennent la tête, les uns crient Valée[2] ! les autres Rossel[3] ! le plus grand nombre poussent le cri de Charles Martel. Tout ainsi que le faucon fait sa pointe quand il se jette sur l’oiseau, tout de même les jouvenceaux se précipitent les uns sur les autres. Il n’y a si fort écu qui ne soit brisé, ou fendu ou percé ou écorné, roide lance de frêne qui ne se rompe, ni si fort haubert qui ne soit décloué. Vous verriez tant de douleurs nouvelles, tant de cuisses tomber avec le trumeau, tant de pieds, de poings, tant de coudes ! Il est resté plus d’hommes sur le champ de bataille, qu’il n’y en a de vivants ou de morts dans Bordeaux. Celui qui se retira de ce massacre, eut Dieu et saint Gabriel pour protecteurs.

155. Bien frappèrent les Manceaux, les Angevins, les Tou-

    (comensador). Mais il ne faut pas chercher un sens précis dans des expressions appelées par la rime.

  1. Barbustel (P. v. 2017), ainsi traduit Raynouard, Lex. rom., II, 185.
  2. Valée ou Valie est le cri bien connu des Angevins : voy. Du Cange, dissertation xi (à la suite du Glossarium, éd. Didot, VII, ii, 52 a, ; cf. Rou, v. 4666, Gaidon, v. 2692, 2939, 4983, le troubadour Marcabrun, dans l’Archiv de Herrig, LI, 32 b, etc. C’est un nom de lieu, comme tous les cris d’armes : Valeia, dans les Chroniques des comtes d’Anjou, édit. de la Soc. de l’Hist. de France, pp. 88, 91. Dans Renaut de Montauban, édit. Michelant, p. 142, le duc Gefroi d’Angers a parmi ses troupes « cinq cens archiers de Valie ». M. C. Port veut bien m’écrire à ce sujet « que la Vallée, comme on disait autrefois, ou Vallée de Beaufort, comme on dit aujourd’hui, comprend tout le val de la rive droite de la Loire, depuis les confins de la Touraine jusqu’aux Ponts-de-Cé. C’est un pays, non pas « voisin », comme le dit Du Cange (loc. cit.), mais à peu près de tout temps dépendant du comté d’Anjou. »
  3. Ce cri m’est inconnu.