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girart de roussillon

Bruns-Essarts. C’était un bon chevalier, preux et vaillant. Girart, aussitôt qu’il l’aperçut, alla, sans tarder, lui parler, lui quatrième. Les nouvelles qu’il apprend le mettent en souci.

94. Girart cessa l’entretien, et dit à tous : « Seigneurs, apprenez les nouvelles dans les termes mêmes [où je les ai reçues]. Le roi assemble son ost à Claradoz[1], dans la prairie sous Orléans, le long de la Loire, dans le bois d’Agoz. Il a juré la croix sainte que s’il ne me dépossède pas de ma terre, il n’est plus un preux. Il veut venir sur nous, le félon couard ! il tranchera nos vignes et nos arbres ; il effondrera nos murs et nos viviers, il ouvrira nos conduits d’eau ! J’ai plus d’hommes que lui et de plus hardis. Si je ne les mets pas tous à rançon, que je soie un misérable ! Je veux que l’argent [nous] vienne comme l’eau au ruisseau. De la guerre de Charles, je m’en soucie comme d’une noix. »

95. Fouque entend ce discours, il dit sa pensée ; pour donner bon conseil, il ne se fit point attendre. « Girart, il agit mal le riche homme qui fait paraître de tels sentiments : Charles est votre sire, le droit empereur. Vous tenez cent mille hommes de sa terre ; il n’y a pas de duc, juste ni pécheur, qui en ait de meilleurs. S’il vous a fait une indignité, contre tout droit, et s’il vous a enlevé Roussillon par trahison, vous l’avez recouvré, et non point comme un larron, mais de façon à vous faire honneur. Pour tout cela, je ne veux pas que [maintenant] vous vous donniez tort. Envoyez un messager à Charles, à sa résidence, à Reims ou à Soissons ou à Saint-Faire[2], pour que le roi vous fasse connaître son cœur et sa pensée, si, sans plus de retard, il prendra votre droit[3], et s’il le dédaigne, par saint

  1. Claradoz veut dire « clair ruisseau » ; est-ce le Loiret ?
  2. Lieu que nous avons déjà vu mentionné au § 54 où P. a Sant Fraire ; ici P. porte o a Belcaire (v. 903), ce qui n’est pas admissible.
  3. Prendre le droit de quelqu’un, expression qui revient à diverses reprises, c’est accepter de lui une composition amiable.