mulets et cent chevaux. Il les emmène tous, les fait charger de butin, passe sous Roussillon au premier chant du coq, et entre à Escarpion[1] par la grande porte. La vaisselle d’or qu’il y mit en sûreté, je ne saurais en évaluer seulement le poids. Girart cependant reçut un terrible échec, car il perdit Roussillon, le château souverain, par Richier de Sordane son sénéchal.
60. Ah Dieu ! qu’il est mal récompensé le bon guerrier qui de fils de vilain fait chevalier, et puis son sénéchal et son conseiller[2] ! comme fit le comte Girart de ce Richier, à qui il donna femme et grande terre ; puis celui-ci vendit Roussillon à Charles le fier. Dieu ! pourquoi fallut-il que le comte ne le sût point la veille ! il y aurait eu à la porte un meilleur portier.
61. Girart avait un ami, son homme de confiance (c’était bien mal employer ses soins), à qui il donna femme et fief. Ce garçon résolut un soir, étant couché, de trahir son seigneur pendant son sommeil ; il se chaussa et se vêtit sans tarder,
- ↑ Ici et plus loin (§ 75) Carpion dans Oxf., mais Escarpion au § 91, Escorpio, dans P. (v. 356) ; ce lieu, d’où Boson, l’un des cousins de Girart, tirait son surnom, a résisté à toutes mes recherches.
- ↑ Cette défiance à l’égard des vilains est constante au moyen âge et
se manifeste dans des écrits de nature très-différente, et même dans des
compositions (par exemple Baudouin de Sebourg), qui se distinguent
par une grande liberté d’idées. Dans le Couronnement de Louis, Charlemagne,
conseillant son fils, lui dit (édit. Jonckbloet, v. 206-10) :
Et autre chose te veill, fiz, accointier
Que, se tu veus, il t’aura grant mestier :
Que de vilain ne faces conseillier.
Fill à prevost ne de fill a voier :
Il boiseroient à petit por loier.Dans le Roman d’Alexandre, Aristote donne des conseils, tout sem-
lage voisin), est situé entre Pothières et Châtillon-sur-Seine. Il tirait son nom de l’ancienne ville de Latisco, détruit à l’époque des invasions barbares. Sur les limites du pagus Latiscensis, voy. d’Arbois de Jubainville, Bibliothèque de l’école des Chartes, 4e série, IV, 349-54.