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girart de roussillon

roi mandera tous ceux de Metz, les Français, les Anglais[1] et ceux d’Aix-la-Chapelle. Quand vous verrez cent mille guerriers d’élite, vous n’aurez si fort mur qui ne soit abattu ; si nombreux que vous soyez dessus il vous faudra descendre. — Bernart, » dit Girart, « entendez-moi : par le baptême auquel vous avez foi, je méprise vos menaces. Avant qu’il y ait dix hommes dans le fossé, vous en verrez tant mourir, et des meilleurs, qu’il n’y aura pas un prêtre pour chacun. Si vous venez, je serais bien étonné de ne vous point voir hébergés ici morts ou vaincus. — Et qu’en savez-vous ? » reprend Bernart. « Si vous persistez dans votre orgueil, dans votre tort, dans votre manque de foi, le roi sera bien faible et bien pacifique, si vous ne rétractez point cette parole.

51. — Que me direz-vous de ceci ? » dit Bernart ; « je sais Charles si habile à la guerre, si dur et si plein de ressources, qu’il mandera ses hommes depuis la mer jusqu’en bas[2]. Alors cent mille preux guerriers fondront sur vous : vous n’aurez si fort mur qui ne s’écroule ; si nombreux que vous soyez en haut, il vous faudra descendre. Mais faites une chose qui est grandement de votre intérêt : recevez céans l’empereur avec vous, livrez-lui ces clochers, ces murs, ces tours.... » Alors parla Fouque en preux damoiseau : « Bernart, j’en prends à témoin le Dieu le glorieux, Charles Martel a de si grands torts envers nous que s’il entre céans avec plus de deux hommes, vous verrez de bons heaumes brunis souillés de terre, et maint franc chevalier étendu sanglant sur ce perron. Jamais roi n’aura été si courroucé !

52. — Bernart, » dit Girart, « pourquoi me dis-tu cela ? Je connais bien le roi et ses mauvaises intentions : s’il était dans cette tour, à l’endroit le plus sûr, il verrait mon

  1. Selon P. (v. 202) : les Normands et les Français.
  2. Depuis le Nord jusqu’à la limite méridionale de ses possessions.