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girart de roussillon

les plus avides en eurent assez. Cependant Girart ne veut pas demeurer plus longtemps : on presse la conclusion de l’affaire, et l’empereur fait amener ses filles ; Berthe d’abord, au clair visage, au doux regard. Son père lui a fait apprendre les arts ; elle sait mettre en roman le chaldéen[1] et le grec, et connaît à fond le latin et l’hébreu ; pour le sens, la beauté, le gent parler, on ne saurait au monde trouver sa pareille. Et disent comtes et ducs et évêques et pairs : « Voici celle qui doit porter la couronne, nous sommes prêts à nous porter garants, par notre serment, que le roi de France la prendra pour femme. » On fait apporter les reliques, et on commence à faire le compte de son oscle[2] : cent châteaux et cités, vingt sur mer. De tous les cent, pas un, si puissant fût-il, ne s’est refusé à prêter le serment.

17. Le pape parle, qui a subtil sens : « Sire, maintenant, avec l’autre [de tes filles], fais ton fils de Girart. Je ne sais plus riche homme ni de plus haute naissance. — À ta volonté, » répond l’empereur. Alors l’amènent ses Grecs...[3] Elle a un corps charmant et tout virginal et un maintien si digne que les plus sages restaient silencieux, émerveillés de sa beauté. Pour elle, Charles méprisa celle qui lui avait été donnée, et par suite, la guerre dévasta les royaumes.

18. Après parla l’abbé de Saint-Rémi : « Je ne vois point ici de reliques de saint André, de saint Jean, de saint Paul, de saint Mathieu. — Des autres et de ceux-là, » dit l’em-

  1. Candiu, dans le ms. paraît devoir être corrigé en caudiu, pour caldiu. Dans le roman d’Alexandre (éd. Michelant. p. 8, v. 27) il est dit qu’Aristote enseignait à son royal élève :

    Griu, ebriu e caldiu et latin ensement.

  2. Voir plus loin, p. 17, n. 4.
  3. Si Griu e Begoïl. Je n’entends pas Begoïl. Est-ce une forme corrompue de Bogomile ? La secte des Bogomiles était surtout répandue en Thrace ; voy. entre autres C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des Cathares, I, 12-3, t. II, 57-62 ; J.-C. Robertson, History of the Christian Church, V, 289-90.