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girart de roussillon

qui est tel qu’on n’en vit jamais : arbalète ni arc ne sauraient lancer un trait aussi loin qu’il s’étend en tout sens. Les murs et les boiseries disparaissent sous les étoffes[1]. Chambellans et huissiers sont à leurs postes ; ils étaient plus de cent fiers et farouches. Chacun a vêtu une pelisse vairée et tient lance ou guisarme, hache ou bâton. Il n’entre au palais damoisel ni jeune homme, s’il n’est personne de haut rang ou riche baron. Les archevêques y viennent de leur province ; évêques et abbés sont plus de mille, et Drogon y a mené trois cent comtes et ducs... Drogon donna terre à Girart, Odilon à Fouque[2]. Le Pape prend la parole :

3. « Seigneurs, dit le Pape, entendez-moi tous : Je ne suis venu ici ni pour mon profit ni pour mon plaisir, mais pour faire le service de Dieu... et à cause de la gent païenne qui nous détruit. Barons, pour Dieu je vous prie, allez-y tous, guidez là les barons...

4. « Au-delà de Constantinople, devers Tyr, l’empereur est engagé dans une guerre dont il ne peut se délivrer. En même temps il a Rome à gouverner[3]. De sa première

  1. Mot à mot : « les pailes et les ciclatons (deux sortes d’étoffes de soie sur lesquelles on a beaucoup écrit) sont si épais, qu’on ne voit mur, pierre, bois ni charbon » ; charbon semble n’intervenir ici que pour la rime ; cependant il paraît, d’après le vers 4011 du poëme de la croisade albigeoise, que le charbon était employé dans la construction.
  2. Drogon et Odilon sont respectivement pères de Girart et de Fouque. « Donner terre » est un équivalent approximatif de casar, anc. fr. chaser ; voy. les exemples cités par Du Cange, au mot chaseati, sous casati.
  3. C’est la tradition des premiers temps du moyen âge, alors que Rome reconnaissait la suzeraineté de l’empereur de Constantinople. Plus loin on verra Charles se faire couronner à Rome que l’empereur byzantin lui a donnée. La tradition généralement acceptée dans l’épopée française est que Rome appartient à Charlemagne ou à ses successeurs. Ainsi dans le Couronnement de Louis, v. 880 ss. :

    Par droit est Rome nostre empereor Karle,
    Tote Romaine de si que en Arabe,