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ccxxviii
appendice

tort et sans cause. Et quant ilz furent dedens le chastel, lors paru le jour bel, si cuida le duc soy vengier du traittre, mais fuy s’en estoit[1]. Et lors le duc manda le gentil chevallier Guitrain, pour l’amour de la duchesse seulement qu’il avoit si loiaument compagnie ; et tant le regarda le duc en parlant a luy, qu’il le recongneu et luy demanda se il estoit Guitrain son parent, et il luy respondi que ouy, car plus ne se pouoit celer. Adont il l’embrassa bien amoureusement, et luy demanda ou il avoit si longuement esté ; et il luy dist qu’il s’en estoit fuy de la bataille lorsque le conte Fourques fut prins devant Roncillon, et passa la mer ou il fut prins des Sarrazins qui l’avoient tenu prisonnier l’espace de vingt ans, mais il en estoit eschappé par les prieres qu’il avoit faittes par grant devotion a la sainte Magdalene[2]. Et quant Guintrain eust son estat et sa grant povreté racomptez, il demanda au noble duc Gerard du sien. Et il luy en respondi tout ce que cy devant en avez ouy racompter. Et finablement le retint le bon duc a sa court, et tant le honnoura qu’il luy donna Vezelay et plenté d’autres seignouries, dont il vesqui moult honnourablement, et fut a sa court avecques (fol. vc lxj) les deux prudents et sages chevalliers Audicas et Bedelon quy longuement le servirent. Et depuis celluy temps envieillirent tous moult fort, et se changa en telle maniere le monde que a paines pouoient les jeunes recongnoistre les anciens. Et le duc Gerard departi aucunes de ses terres aus trois filz du conte Fourques[3]. Et desja estoit l’ainsné pourveu de la duchié d’Ardenne comme dit est, mais comment il les departi ne fait l’istoire aucune mention, ainchois dist que tant comme il eust depuis la vie ou corps, il vesquy haultement et en trés grant honneur, et pour entretenir la couvenence qu’il avoit fait au pere saint et au roy Charles Martel, il voulu faire machonner et fonder treze abbayes.

En la derrenere eschevée des treze abbayes, laquelle fut la ou la bataille de Roncillon avoit esté faitte, en la plaine

  1. Cf. § 663.
  2. Cf. § 666.
  3. Cf. § 673 où il est dit que Fouque avait, non pas trois, mais quatre fils.