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cciv
appendice

Ceulx quy vindrent devers le roy Charles, lequel pour lors estoit plus embesongnié que mais pieça n’avoit esté, car la guerre luy survenoit contre les Frisons quy a luy ne vouloient nullement obeïr, ne declaire point l’istoire la cause, mais bien dist qu’il avoit son conseil assamblé pour y trouver appointement ; quand la vindrent les deux messages dont l’un estoit appellé Ansseys, et venoit de Nerbonne[1], (vo) et dist au roy devant ceulx quy la estoient en telle maniere : « Sire, vers vous suys envoié de par ceulx de Nerbonne, lesquelz vous requierent de secours, et le plus tost que possible vous sera, car les Sarrazins sont descendus en leur paijs et l’ont tout pourprins, pillié et robé. Si ne scevent les Nerbonnois ou avoir recours, sinon a vous, comme ceulx quy tous les ans vous viennent faire hommage de leur terre. Et se bien brief ne les secourez ou envoiés chose quy les puist reconforter, sachiés qu’ilz s’adrecheront par defi vers le puissant duc Gerard de Roncillon ». Si fut tant dolant que merveilles le noble roy quant il ouy racompter si dures nouvelles, non pas pour le nom du prince Gerard, mais pour la querelle qu’il avoit aux Frisons, quy trop asprement le pressoient de son honneur en plusieurs manieres. Et comme il pensoit sur la response qu’il devoit rendre au messagier, vint illec ung jeune prince moult nobles homs appelle Hervault[2] de Geronde, lequel se mist a deux genoulz devant luy, et luy dist si haultement que bien fut entendu :

« Sire, vous estes souverain seigneur de toute la terre crestienne ; au moings vous avez tous jours eue en vostre domination toute la terre de par decha la mer, en laquelle les Sarrasins sont de nouvel entrez a si grosse puissance qu’en petit de temps ilz pourront venir jusques au Rosne et par decha, quy remede n’y mettra bien prochainement ». Si fut adont Charles Martel tant esbahy que merveilles, car oncques nu fut plus,

  1. En présence de ce texte il n’est pas possible de maintenir la correction d’Anseis en Aimeri, proposée à la fin de la note 4 de la page 106.
  2. Sic, il faudrait Hernault, dans la chanson (§ 192) Ernaut de Gironde. C’est donc avec raison que la leçon Ernaut de P. a été adoptée (voy. p. 106, n. 3) contrairement à la leçon Tenarz, donnée par O. L.