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introduction

par certains rapports de forme ; elle s’en distingue absolument par le fond. Je ne prends pas ici en considération la différence de langue, car à cet égard nous n’avons de certitude que pour la seconde rédaction, la première ne nous étant pas parvenue. Mais la différence du fond suffit pour assigner à notre chanson une place isolée en dehors de l’épopée française. L’isolement est toujours resté complet. Girart de Roussillon n’est pas devenu, comme Garin le Lorrain, le centre d’un petit cycle se développant en divers sens par des branches successives ; il n’a pas, non plus, subi de remaniement ayant pour objet de le faire entrer dans un des cycles existants. Toutefois, on ne peut pas dire qu’il soit resté tout à fait sans influence sur notre épopée. À une époque où les jongleurs, désireux de profiter de la faveur avec laquelle on accueillait les chansons de geste, étaient toujours en quête de matières nouvelles, on ne saurait être surpris que quelques uns d’entre eux aient eu l’idée d’emprunter à Girart de Roussillon soit des noms propres, et particulièrement celui du principal personnage du poème, soit des épisodes ou des situations, pour les introduire avec plus ou moins d’à-propos dans leurs compositions. Ces emprunts ont dû commencer de très bonne heure, puisque Girart de Roussillon lui-même figure dans Rolant parmi les douze pairs de Charlemagne[1]. Ils ont pu être faits soit à l’ancienne chanson, soit à la nouvelle, et, dans le premier cas, ils peuvent nous fournir quelques lumières sur le premier état de notre poème. Assurément la chanson renouvelée ne tarda pas à supplanter dans la faveur du public le poème pri-

  1. Voy. p. xvii.