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INTRODUCTION

solide chimie[1]. Sans doute mérite-t-elle partiellement ce jugement hautain et méprisant que M. Mieli a énoncé en termes que, pour notre part, nous trouvons trop violents, « cette histoire gonflée et bouffie d’orgueil qui veut être un hymne au progrès, à la libération des esprits de l’erreur et à son chemin ascensionnel par la voie de la science positive et qui se réduit, au contraire, à une vulgaire mystification des valeurs et à une rhétorique dont on ne saurait dire si elle est plutôt dégoûtante que ridicule[2]… » Sans parler aussi sévèrement, nous pouvons dire que l’on se prépare mal à comprendre le passé de la science si, après avoir feuilleté les écrits des maîtres d’autrefois, l’on se hâte de rire de quelques étrangetés ou absurdités apparentes qui s’y trouvent disséminées, en négligeant, par l’effet même de cette attitude dédaigneuse, de se familiariser doucement avec la pensée des anciens chimistes, de s’assimiler leur doctrine, bref, de comprendre véritablement une théorie que l’historien a justement pour tâche de faire revivre.

En second lieu, une telle méthode, qui emprisonnerait forcément les concepts fondamentaux de la chimie dans des définitions immuables, formerait un écran opaque s’interposant systématiquement entre le texte ancien et le lecteur d’aujourd’hui, et empêcherait celui-ci de bien saisir une pensée qui constamment se dérobe à sa pénétration. Et cela précisément parce que la signification des mots les plus usuels, l’extension, la compréhension, la valeur des expressions scientifiques sont susceptibles de varier et varient en effet peu à peu quand le savant, poursuivant ses recherches sur un terrain encore inexploré et aux prises avec des difficultés nombreuses, pose d’une manière nouvelle les problèmes importants qu’il s’ingénie actuellement à résoudre. Cette mobilité ininterrompue de l’orientation même de la doctrine chimique, que nous voudrions parvenir à mettre en pleine lumière, doit logiquement échapper,

  1. Ce point de vue est étalé avec complaisance dans les ouvrages de M. Delacre.
  2. Le Réveil récent des Études d’histoire des sciences et sa signification, Scientia », XVIII (1945), p. 80.