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les doctrines chimiques en france

« créatures du feu » ? Mais s’il en est ainsi, l’on peut se demander s’il y a entre les différentes substances matérielles quelque différence essentielle ? ou si, au contraire, les caractères spécifiques de chaque substance sont dues aux circonstances de sa formation. Par la voie du laboratoire, le chimiste rejoint l’hypothèse du métaphysicien qui admet, à la même époque, la doctrine de l’unité de la matière. Que l’on réduise celle-ci à l’eau élémentaire comme Van Helmont, à l’espace occupé comme Descartes, à des corpuscules enchevêtrés comme Robert Boyle, l’on aboutit à des conclusions à peu près équivalentes[1]. Cette manière de voir

  1. D’après Scheuchzer, qui a donné une grande place à l’hypothèse de l’unité de la matière, cette supposition fondamentale aurait entraîné l’adhésion d’un grand nombre d’expérimentateurs et de métaphysiciens parce qu’elle dérive directement d’un désir naturel à l’esprit humain qui tend à contempler la nature entière d’un seul coup d’œil. Les faits observés dans les laboratoires auraient simplement justifié après coup, sans toutefois le mettre hors de doute, le système instinctif admis par les savants…, et qu’ils croyaient placer sous l’autorité de la Genèse. Laissons la parole à la Physique sacrée (p. 7 et 8) de l’édition française 1744, in-4 (1re édition latine, date de 1706). « L’opinion des plus anciens philosophes payens qui croyaient que tout avait été fait d’eau est très remarquable : elle doit son origine à l’histoire de Moïse qu’ils n’avaient peut-être pas bien entendue. Cicéron rapporte dans son traité de la Nature des Dieux que Thalès, milésien qui a cherché le premier à découvrir ces choses, a dit que l’eau était le commencement de tout et que Dieu était cette âme qui avait tout formé de l’eau. Ce dogme qui a passé des juifs aux payens est un des plus généralement reçus. Plusieurs grands hommes ont favorisé cette opinion : tels sont Anaxagore, Pythagore et même les Brahmanes des Indes comme on peut le voir dans Strabon. On peut consulter encore Aristote (livre i, chapitre iii de sa métaphysique) dans l’endroit où il explique pourquoi l’on jurait par le Styx. L’on peut encore joindre à ceux-là certains Stoïciens. Et entre les