Page:Metzger - Les doctrines chimiques en France du début du XVII à la fin du XVIII siècle, 1923.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
LA THÉORIE DE LÉMERY

oscille entre ces conceptions extrêmes et choisit, le cas échéant, celle qui lui permet le plus facilement d’interpréter les faits de laboratoire. Ne nous avoue-t-il pas que, dans nombre d’opérations, les pointes qui caractérisent l’état acide sont susceptibles d’être brisées ou rompues par l’effort des alcalis antagonistes ?

Lémery ne songe pas à nous dire s’il est partisan du système du plein qu’admettait Descartes, ou du vide que préconisait Gassendi. Entre les pores de ces corpuscules suppose-t-il qu’il n’y a rien, ou croit-il l’espace occupé par une sorte de matière subtile concevable par notre raison et sans action sur nos sens ? Rien ne laisse supposer qu’il se soit posé le problème ; et si parfois il émet l’hypothèse que dans les pores des molécules quelque substance se soit glissée, c’est uniquement pour expliquer une expérience qui demeurait jusqu’alors inintelligible, pour sa doctrine.

Les corpuscules de Lémery ne diffèrent d’ailleurs que par leurs dimensions des corps tels que les sens nous les font percevoir à notre échelle. Sans doute Lémery ne les suppose-t-il jamais colorés ; sans doute essaye-t -il d’expliquer par la disposition des molécules la plus ou moins grande densité des substances chimiques, comme s’il les voulait véritablement déduire des propriétés de l’espace ? Mais il ne pousse pas l’abstraction plus loin, il donne à ses atomes, en cas de besoin, certaines propriétés, telles que la cohésion et la dureté, et il leur attribue non une cohésion