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LES DOCTRINES CHIMIQUES EN FRANCE

Contrairement donc aux anciens auteurs qui se seraient laissé séduire par les rêveries d’une imagination fantaisiste, et qui auraient attribué aux différentes substances chimiques des propriétés mystérieuses, Lémery veut, avant tout, donner des explications « intelligibles ». Qu’entend-il par ce terme et quelles sont les conditions pour qu’une théorie chimique soit recevable ? La réponse à cette question semble aller de soi pour le chimiste cartésien ; il ne nous la donne qu’en passant, à propos d’une explication particulière, et elle s’impose à sa raison avec une telle force qu’il ne songe pas même à prévoir l’objection : « On ne peut pas mieux, observe-t-il, expliquer la nature d’une chose aussi cachée que l’est celle d’un sel, qu’en attribuant aux parties qui la composent des figures qui répondent à tous les effets qu’il produit[1]. » Les particules des différents corps ne différeront donc, et cela est un postulat que Lémery n’exprime point explicitement, tant il lui semble évident, que par leurs formes respectives ; en conséquence, « la chimie donnera une fort grande idée de la Nature et de la figure des premiers petits corps qui sont entrés dans la composition des mixtes ». Ceci admis, il expliquera hardiment, sans jamais rencontrer d’obstacle, tous les phénomènes matériels qu’il est donné au chimiste d’observer, et il nous fera suivre des yeux les molécules diversement figurées qui, par leurs mouve-

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