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LA THÉORIE DE LÉMERY

fastidieux des tour de main compliqués que les habiles seuls peuvent acquérir. Lémery n’essaye pas de dissimuler son dédain, mêlé de mépris, pour tous les chimistes qui ont professé des doctrines que la philosophie mécanique proclame absurdes ou inintelligibles. Sans d’ailleurs faire allusion à la méthode cartésienne, il s’adresse à un public qui, suivant les conseils de Descartes, ne respecte d’autre autorité que celle du sens commun et de la logique déductive. Aussi son cours de chimie débute-t-il par une sorte de manifeste dans lequel il exprime sa ferme volonté de rompre avec une tradition ancienne et respectée qui obligeait le chimiste à voiler ses récits d’expérience sous des dehors mystérieux, énigmatiques, incompréhensibles au vulgaire. « La plupart des auteurs, affirme-t-il catégoriquement, qui ont parlé de la chimie en ont écrit avec tant d’obscurité qu’ils semblent avoir fait leur possible pour n’être pas entendus. Et l’on peut dire qu’ils ont trop bien réussi, puisque cette science a été presque cachée pendant plusieurs siècles et n’a été connue que de très peu de personnes. C’est en partie ce qui a empêché un plus grand progrès que l’on eût pu faire dans la philosophie, puisqu’il est impossible de raisonner en bon physicien qu’on ne sache la manière dont la Nature se sert dans ses opérations ; ce qui est parfaitement bien expliqué par la chimie[1]. »

  1. Préface. Sauf indication spéciale nous citons d’après l’édition de 1716.