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les doctrines chimiques en france

xviie siècle, — que le métal imparfait est au métal parfait ce que le fruit vert est au fruit mûr, l’art de réaliser les transmutations nous paraîtra conforme à l’ordre de la Nature[1] ; nous serons donc tentés d’attribuer à des causes accidentelles les insuccès répétés et nombreux de ceux qui se livraient obstinément à la recherche du Grand Œuvre. Si nous croyons, comme certains savants nous l’ont dit, que l’or, grâce à un ferment hypothétique, pourrait digérer les métaux imparfaits qui lui servent de nourriture, la transmutation des métaux nous semblera possible, même probable, mais sa réalisation ne nous semblera plus assurée, elle ne sera pas commandée par la nature des choses. Enfin si nous ne justifions l’alchimie que par la considération que les espèces ne sont pas stables, qu’elles sont susceptibles de modifications dont nous ne connaissons pas les lois, l’art hermétique ne nous paraîtra pas logiquement absurde, nous ne le considérerons

  1. En poussant la comparaison en dehors des limites où elle suggère la doctrine hermétique, certains savants ont considérablement diminué sa portée ; c’est ainsi que Glauber, après avoir exposé avec une clarté étonnante la théorie du perfectionnement des métaux, admet (2e partie de l’Œuvre minérale) qu’à l’exemple des êtres vivants ceux-ci peuvent vieillir et mourir. « Que si le métal, dit-il, vient à sa dernière perfection et qu’il ne soit point tiré de la terre de laquelle il ne reçoit point de nourriture, il peut fort bien être comparé en cet état à l’homme vieux, décrépi… la nature garde la même circulation de naissance et de mort dans les métaux comme dans les végétaux et dans les animaux. » L’évolution régressive admise ici est opposée à la tendance au perfectionnement ; par suite, elle ne correspond plus à une nécessité universelle et invincible ; elle signale la décadence de la doctrine.