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INTRODUCTION

stupeur tant la culture générale dont ils faisaient preuve était étendue et solide ; sans doute, aperçoit-on rapidement qu’un grand nombre d’entre eux, Glauber, Davidson ou Lefèvre pour ne citer que des noms célèbres, acceptaient avec une égale ferveur, toutes les théories ou traditions qui sont venues jusques à eux ; qu’à leur érudition se joignait un remarquable manque d’esprit critique ; ils ne cherchaient pas constamment à séparer la vraie science de la superstition vulgaire ; et par là leur effort devint suspect à des hommes justement renommés, mathématiciens, physiciens, philosophes ou érudits. Pour les savants, en quelque sorte officiels, la chimie n’était pas tout à fait une science, ou plutôt elle est restée longtemps une sorte de science de seconde zone, si l’on ose s’exprimer ainsi, science d’artisans remplie de connaissances hétérogènes et de croyances populaires dont il fallait se défier. « Il y avait là, a écrit M. Meyerson, un domaine mal connu, nous dirions presque mal famé, constitué par un amas formidable de faits à moitié mystérieux[1] » où l’on n’osait guère s’embourber ; les chimistes sérieux eurent longtemps à se plaindre de cette sorte d’ostracisme, et souvent leur ton est amer ; ne va-t-on pas parfois jusqu’à confondre leurs recherches pénibles et prolongées avec le charlatanisme le plus éhonté de ceux qui exploitent cyniquement la crédulité populaire ? Fontenelle n’a-t-il pas fait sourire l’académie des sciences en proclamant que « l’esprit de chimie est confus et enveloppé » ? Sans doute, ces préventions se dissipèrent-elles peu à peu ; et la chimie finit-elle par obtenir l’estime à laquelle elle

  1. Identité et réalité, p. 177.