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Voici nos échines prêtes à l’outrage des pierres,
Et nos mains qui ne savent plus, hélas ! que mendier,
Et notre amour, ô nos fils à qui nous voulons dédier
Ces étendards avec nos casques et nos rapières.

Mais il nous reste, ô vous qui refusez l’orgueil de notre histoire,
La gloire de votre présent fait de tout notre passé !
Le vin des vieux vignobles où vous avez dansé,
C’est mêlé à notre sang que vous l’avez dû boire.

Et le pain que vous mangez, le soir au seuil des fermes,
Est pétri de la chair des pères morts dans les sillons.
Grâce à nous, vos enfants peuvent courir après les papillons
Et les amoureux s’étreindre sur la glèbe pleine de germes.

Par nos souffrances, pauvre petite ville de notre naissance, te voici forte,
Et ne craignant plus les coureurs de la mort
Qui tourbillonnaient vers toi des plaines noires du Nord
En lançant des flèches aux astres, sifflante cohorte.

Nous les avons suivis dans le tonnerre des chevauchées,
Cent jours et cent nuits, aussi loin que nous avons pu,
Jusqu’aux rives de la mer extrême où l’on a vu,
En fuite, leurs galères sous la tempête couchées.