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LA FILLE À LA FONTAINE

À Numa Gillet

Les filles de l’amour se penchent sur la source
Sourde où les nénufars attirent le désir
Des lèvres et des doigts ouverts pour les saisir.
 
Toutes en haletant ont suspendu leur course
En cercle autour de l’eau qui reflète leurs yeux
Azurés d’avoir vu tant de fleurs et de cieux.

Elles ont tu leurs voix en liesse. La plus folle
Tient ses seins ; et son souffle à peine siffle-t-il
Sur sa langue qui pointe un peu comme un pistil.

Au gré lascif du vent, sa chevelure molle
S’épanche en boucles d’or de la nuque aux genoux
Mi-ployés sur la marge où meurent les remous.