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APPENDICE.

en 1810, et mourut la même année. Il était fort laid, s’il faut en croire cette épigramme :

Ovide osa nous raconter
Comment Jupin donna le change
Aux belles qu’il voulait dompter,
En prenant mainte forme étrange ;
Mais aujourd’hui Jupin se venge
En le faisant ressusciter
Sous la figure de Saint-Ange.

Il traduisit en vers les Fastes (1804), l’Art d’aimer (1807), et le Remède d’amour (1811) ; les Métamorphoses (18001808) furent son œuvre la plus soignée. Son vers est élégant et souple, comme on en jugera par ce fragment :

En amour, au barreau, l’éloquence a son prix ;
Romains, à l’éloquence exercez vos esprits,
Nous défendons par elle un coupable, et par elle
Aussi bien que Thémis on désarme une belle.
Ménage ce talent, et cache bien ton art ;
L’esprit doit être aisé, naturel et sans fard.
D’un vain déclamateur évite l’étalage ;
Borne-toi pour ta belle aux mots du simple usage.
Uo style plein d’enflure, un langage affecté.
Fut souvent tout le tort d’un amant rebuté.
Que le lien, plein de feu, soit doux, facile et tendre :
En lisant tes billets elle croira t’entendre.
Peut-être sans les lire on te les renverra ;
Ne désespère pas, un jour on les lira.
Le temps du fier taureau fait un esclave utile.
Le temps au frein qu’il mord rend le coursier docile ;
Le métal d’un anneau s’use au simple toucher :
Quoi de plus mou que l’eau, de plus dur qu’un rocher ?
L’eau qui tombe le perce. On aime qui nous aime ;
Persiste, et tu vaincras Pénélope elle-même :
Le siège d’ilion se prolongea dix ans ;
Mais Ilion enfin fut prise avec le temps.

Carré (Pierre-Laurent) [1758-1825]. Né à Paris, élève de Delille, professeur de belles-lettres, nommé par Fontanes à la Faculté de Toulouse, il fut toute sa vie un lauréat de concours académiques. La Convention l’avait invité à composer des hymnes pour ses fêtes nationales. Lebrun admirait cette strophe de l’Ode sur la Vieillesse :

Plus le chêne compte d’hivers,
Plus il déploie un vaste ombrage ;
Le fleuve, en « ’approchant des mer »,
Accroît l’orgueil de son rivage ;