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de comprendre pourquoi il déplaçait tel ou tel passage, dont le sens ne prend pas plus de relief à sa nouvelle place, — en dehors d’une préférence toute subjective, d’une raison d’harmonie intime que seul a perçue Sénancour ; il en est de même de beaucoup de corrections de style. L’écriture, nerveuse, est souvent à peine lisible.

Les passages indiqués par Sénancour comme « ajoutés » sont très nombreux, et très intéressants, parce qu’ils offrent, de plus en plus, le caractère de confidences intimes. Ce sont des prières, des effusions religieuses, des appels lyriques : Sénancour observe son temps passionnément, sans s’y mêler, et il demeure à l’affût de tout ce qui se passe dans sa vie intérieure ; il interprète avec une curiosité ardente, un désir passionné de vérité, tout ce qu’il peut y avoir d’expressif dans l’un et dans l’autre.

Parmi ces modifications et ces additions, voici les plus dignes d’être relevées. Nous en donnerons les dates précises, inscrites de la main de Sénancour, chaque fois que nous les trouverons.

Dans la 5e Méditation (des Passions), il insiste sur la corruption du christianisme primitif, — sujet qui forme la fin de cette Méditation dans l’édition de 1830-34, et ajoute : « Dès que la morale se trouve subordonnée à des controverses, on marche dans les voies de la dépravation, et les cénobites eux-mêmes, troublés par des concurrences, se divisent en coteries haineuses. » Et il s’élève contre « les esprits chimériques qui ont en vue l’efficacité absolue des institutions. » (Précautions prises jusqu’au bout par Sénancour pour fuir l’équivoque qui le ferait ranger parmi les catholiques. Voir plus loin la note à l’Académie).

Dans la 6e Méditation, il va plus loin dans l’affirmation d’une « providence cachée mais tutélaire » (1830-34) et de l’excellence de la douleur ; peut-être sous l’influence de Ballanche, Sénancour ajoute : « La loi de la douleur sera subie sur tous les mondes passagers, comme le nôtre, et c’est pour l’homme particulièrement une destinée à laquelle il doit consentir. »

La 9e est très retouchée. Sénancour, en tête d’un feuillet qui doit s’y rapporter, écrit : « Fatigué de cette masse de connaissances assez inutiles dont l’érudition se compose, on perd à l’égard des questions sérieuses, le tact d’un esprit ferme et indépendant. » (Il n’a pas su ordonner ses connaissances,