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Je n’oublierai jamais les nuits que j’ai passées auprès de cette malheureuse fille. Les craquemens du plancher, le sifflement de la bise, le moindre bruit la faisait tressaillir. Lorsqu’elle s’assoupissait, elle avait des visions horribles, et souvent elle se réveillait en sursaut, en poussant des cris. Son imagination avait été frappée par un rêve, et toutes les commères du pays avaient achevé de la rendre folle, en lui racontant des histoires effrayantes. Souvent, sentant ses paupières se fermer, elle me disait : « Ne t’endors pas, je t’en prie. Tiens un chapelet d’une main et ton hanzar de l’autre ; garde-moi bien. » D’autres fois elle ne voulait s’endormir qu’en tenant mon bras dans ses deux mains, et elle le serrait si fortement, qu’on voyait dessus long-temps après l’empreinte de ses doigts.